Dormez tranquille, braves gens, vous ne craignez rien avec Ebola, ne cessent de répéter les autorités sanitaires du Québec, du Canada et des États-Unis à leurs concitoyens. De fait, le risque que la plupart des Canadiens contractent ce terrible virus est si faible qu’il ne vaut pas la peine de s’en inquiéter.
Mais ne nous leurrons pas : à moins d’un miracle, le premier cas d’Ebola hors d’Afrique, annoncé cette semaine, ne sera pas le dernier.
Et pendant qu’on se réjouit de ne rien craindre, c’est une horrible catastrophe pour l’humanité qui frappe l’Afrique, où 420 personnes sont mortes, dans la dernière semaine seulement, après avoir contracté l’Ebola.
Même si la présidente du Liberia conteste ces prédictions, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) table sur le chiffre effarant de 20 000 personnes atteintes d’ici le mois de novembre – et pas loin de 10 000 morts. Les chiffres rapportés jusqu’à présent à l’OMS — qui sont certainement bien en deçà de la réalité — montrent que cela n’a malheureusement rien d’impossible.
Au 14 septembre dernier, 4 507 cas avaient été rapportés depuis l’éclosion de l’épidémie. On en comptait 7 178 en date du 1er octobre. Parmi ceux-ci, 3 338 sont décédés.
Fermer les frontières serait aussi inutile que criminel, puisque cela aurait des conséquences dramatiques sur l’aide aux pays touchés comme sur leur économie. Les contrôles de sécurité qui visent à empêcher les personnes atteintes de voyager et de risquer de propager la maladie ont une efficacité très limitée, puisqu’il faut parfois jusqu’à 21 jours pour que le virus se manifeste par des symptômes. Heureusement, Ebola n’est pas contagieux en l’absence de ces symptômes, et nécessite un contact rapproché par la suite.
Apparemment, le premier cas survenu aux États-Unis, chez une personne de retour de voyage, n’a pas été aussi bien pris en charge que ce à quoi on aurait pu s’attendre, puisque le patient a d’abord été renvoyé chez lui avant que son état ne devienne critique. Même si les services de santé de la planète se disent hyper vigilants, tant que le virus sera aussi présent en Afrique de l’Ouest, il y aura toujours des personnes qui passeront à travers les mailles du filet – des gens qui ne se présenteront pas à l’hôpital avant d’avoir contaminé leur entourage, par exemple.
C’est horriblement triste à dire, mais cela va peut-être pousser la communauté internationale à continuer à s’occuper un tant soit peu de ce qui se passe en Afrique. Là où elle aurait dû (et devrait aujourd’hui) faire beaucoup plus pour s’attaquer au véritable drame. Médecins sans frontières a beau faire un travail extraordinaire dans les pays touchés, il y a un monde entre les promesses de dons et l’aide sur le terrain.
Selon Serge Piot, codécouvreur du virus, ancien directeur d’Onusida et directeur de l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, il faut aujourd’hui militariser la lutte en s’appuyant sur des forces armées sanitaires. Une solution loin d’être idéale, mais qui lui semble la seule à même d’enrayer l’épidémie.
À ce jour, le gouvernement du Canada a consacré 35,4 millions de dollars à la lutte contre Ebola en Afrique. C’est à peine plus de 1 dollar par Canadien. En 2013, les dépenses de santé par habitant au Canada ont atteint près de 6000 dollars (contre 22 dollars au Libéria). On pourrait sûrement faire un effort un peu plus conséquent pour aider l’Afrique à traverser cette crise ! L’OMS estime les besoins à un milliard de dollars.
Le problème, en outre, c’est que cet argent met du temps à se rendre sur le terrain, où on a besoin d’agir maintenant, pas dans deux ou trois mois. Hier, les États-Unis ont annoncé que 1 400 soldats partiront pour le Liberia au cours du prochain mois. Croyez-vous que le Canada devrait aussi y envoyer d’urgence ses militaires ?
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À propos de Valérie Borde
Journaliste scientifique lauréate de nombreux prix, Valérie Borde a publié près de 900 articles dans des magazines depuis 1990, au Canada et en France. Enseignante en journalisme scientifique et conférencière, cette grande vulgarisatrice est à l’affût des découvertes récentes en science et blogue pour L’actualité depuis 2009. Valérie Borde est aussi membre de la Commission de l’éthique en science et en technologie du gouvernement du Québec, en plus d’être régulièrement invitée dans les médias électroniques pour commenter l’actualité scientifique. On peut la suivre sur Twitter : @Lactu_Borde.
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