Sur la question des retraites, on ne pourra pas dire que L’actualité n’a pas tenté de sonner l’alarme.
Notre premier gros dossier « Bye-bye boulot » remonte à 1997. Un lecteur nous avait alors écrit : « Les contribuables n’ont pas les moyens de payer pour deux fonctions publiques, l’une active, l’autre à la retraite. »
Six ans plus tard, en octobre 2003, le magazine retapait sur le clou en page couverture : « Bye-bye boulot ? Attention, danger ! » En 2011, nous avions même expliqué la réforme suédoise : « Nous ne pouvions plus continuer de demander à des gens qui travaillent longtemps à petit salaire de financer la retraite de gens qui travaillent moins longtemps à gros salaire », nous avait déclaré le ministre suédois de la Santé.
Pendant ce temps, au pays du Québec, rien ne changeait…
Nous voici, en cet automne 2014, devant les images de pompiers saccageant un hôtel de ville et accusant l’État de vouloir les voler, parce que Québec — avec le projet de loi 3 — veut modifier les règles du jeu pour adapter les régimes de retraite du milieu municipal au monde d’aujour-d’hui. Misère…
Personne ne veut voler personne. En Suède, le gouvernement n’a pas volé ses syndiqués. Le monde a changé. L’économie, la démographie, l’espérance de vie ne sont plus ce qu’elles étaient. Et il faut s’adapter. Si les Suédois l’ont fait, pourquoi pas les Québécois ?
Avec le recul du temps, on peut juger mal avisé que des élus aient accepté que leur ville — et donc ses contribuables ! — paie 70 % du fonds de pension de ses employés. Mais c’était une autre époque. On ignorait les mauvais tours que le déclin démographique et le ralentissement de l’économie allaient nous jouer. On les connaît, maintenant !
S’insulter ne changera rien. Les syndiqués n’ont rien volé. L’État non plus. Mais les deux sont condamnés à trouver une solution, pour le bien des générations qui suivent.
L’économiste Pierre Fortin en propose une, qui mérite qu’on en débatte. Les employés (pompiers, policiers, etc.) n’ont pas causé le problème, dit-il. Et ne devraient pas porter seuls le fardeau des correctifs nécessaires. Il propose donc que l’État québécois absorbe la moitié du déficit de quatre milliards des caisses de retraite municipales. Et que l’Assemblée nationale prenne ensuite ses responsabilités et donne aux municipalités les pouvoirs accrus dont elles ont besoin pour créer un véritable rapport de force lorsqu’elles négocient les conditions de travail de leurs syndiqués.
Comme Pierre Fortin le démontre, si les employés municipaux ont obtenu de tels avantages dans le passé — une rémunération 38 % plus élevée en moyenne qu’au provincial —, ce n’est pas parce qu’ils sont « plus compétents » que leurs homologues provinciaux. C’est que l’État québécois a négligé pendant trop longtemps d’armer les municipalités pour qu’elles puissent protéger l’intérêt à long terme de leurs citoyens.
L’heure est donc venue de changer la « toune » sur laquelle nous dansons. Les élus devraient d’ailleurs donner le rythme en revoyant leur propre régime de retraite !
Aucune embellie miraculeuse ne s’annonce sur le front de l’économie mondiale. Les rendements des fonds de pension ne vont pas doubler par miracle.
Si la Suède a réussi à changer son régime de retraite à la fin des années 1990, le Québec peut le faire aussi ! La recette suédoise avait été de dépolitiser le débat, tous les partis politiques s’étant entendus pour voter la réforme. Pourquoi ne pas faire de même ?
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