À peine connaissait-on, mardi, la date du début du procès du sénateur conservateur suspendu Mike Duffy que démarrait la valse des supputations autour de la date des prochaines élections fédérales.
En vertu de la loi sur les élections à date fixe, elles devraient avoir lieu le 19 octobre 2015, mais on a bien vu, en 2008, que ce n’était pas cette loi, qu’il a lui-même fait adopter, qui arrête le premier ministre Stephen Harper. Il avait à l’époque l’excuse d’être à la tête d’un gouvernement minoritaire, ce n’est plus le cas.
Il lui faudrait donc une très bonne raison pour en faire fi cette fois-ci, même s’il en a la possibilité puisque que le gouverneur général a toujours le pouvoir, en vertu de la Constitution, de dissoudre le Parlement sur les conseils du premier ministre.
Cette échappatoire nourrit d’ailleurs les conjectures depuis des mois. Fera-t-il face à l’électorat au printemps, armé d’un budget tout frais et truffé de bonbons électoraux ou attendra-t-il? Tout et son contraire a été dit sur le sujet.
Le procès du sénateur Duffy vient brouiller les cartes. Il durera 41 jours et s’étalera entre le 7 avril et le 19 juin. Il est évident que M. Harper ne veut pas être en campagne durant cette période. Il perdrait complètement le contrôle de son message. Il serait inévitablement questionné jour après jour sur les révélations et témoignages des membres actuels et passés de son personnel. Tout le grenouillage autour du chèque de 90 000 $ de son ancien chef de cabinet Nigel Wright et tous les efforts pour étouffer l’affaire seront étalés au grand jour.
Si M. Harper et d’autres parlementaires, des sénateurs avant tout, sont appelés à témoigner et invoquent leur privilège parlementaire pour retarder leur comparution (ce qui pourrait ne pas leur être automatiquement accordé, les avis divergent), il sera obligé de s’en expliquer. Or un tel refus n’est jamais bien vu et peut même jouer contre lui.
M. Harper pourrait aller en élections avant que le procès commence, mais à quel prix? Le stratagème serait cousu de fil blanc en plus de le forcer à précipiter la présentation de son budget car il devrait déclencher les élections au plus tard le 22 février pour tenir un scrutin le 30 mars.
Cela ne lui laisserait que trois semaines de travaux parlementaires pour attacher les derniers fils de son programme législatif et budgétaire. Et rien ne dit que d’autres pavés ne tomberaient pas dans la marre. Selon le site du vérificateur général, le rapport sur les dépenses des sénateurs est attendu d’ici la fin de 2014 ou au cours du premier trimestre de 2015.
Attendre l’automne n’offre pas plus de certitude. Personne ne sait quand le verdict sera rendu dans le procès Duffy ni, advenant qu’il soit reconnu coupable d’au moins un des 31 chefs d’accusation de fraude et d’abus de confiance retenus contre lui, quand sera prononcée la sentence. Cela peut survenir après l’été.
Qu’il le veuille ou non, Stephen Harper entame cette dernière année préélectorale avec un énorme boulet au pied et se retrouve, d’une certaine manière, coincé. Ce qui ne doit pas déplaire à Mike Duffy qui en a gros sur le cœur et a renoncé à son enquête préliminaire pour accélérer les procédures.
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À propos de Manon Cornellier
Manon Cornellier est chroniqueuse politique au Devoir, où elle travaille depuis 1996. Journaliste parlementaire à Ottawa depuis 1985, elle a d’abord été pigiste pour, entre autres, La Presse, TVA, TFO et Québec Science, avant de joindre La Presse Canadienne en 1990. On peut la suivre sur Twitter : @mcornellier.
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