En novembre 1803 eut lieu la bataille de Vertières, qui ouvrit la voie à l’indépendance haïtienne et scella, dans une violence inouïe, une des pires défaites de l’armée napoléonienne.
Pour les Haïtiens, la bataille et ses acteurs sont devenus des références scolaires incontournables. En France, le souvenir même de Vertières semble avoir été consciencieusement relégué aux oubliettes de l’histoire. Jean-Pierre Le Glaunec, professeur d’histoire à l’Université de Sherbrooke, s’emploie à lever le voile sur les efforts de propagande et d’occultation, qui ne sont, d’après lui, que conséquences d’une « règle de l’oubli » adoptée par la France dans la gestion de ce souvenir encombrant.
Pour expliquer cet oubli volontaire, Le Glaunec présente deux hypothèses. Selon la première, l’effacement de l’événement de l’historiographie viserait à masquer les velléités génocidaires françaises, dont il subsiste dans les archives militaires des traces probantes, évoquant un « nettoyage » de la population noire de l’île d’Hispaniola.
Selon la seconde hypothèse, le simple rappel à la mémoire de cette rencontre de l’armée française avec la mort serait insoutenable, et pour cause : sur les 20 000 soldats français dirigés par le général Leclerc, beau-frère de Napoléon, peu survécurent aux maladies, aux privations et aux combats. Après la perte de la Nouvelle-France, la chute de la colonie de Saint-Domingue venait s’ajouter aux déconfitures coloniales françaises.
Au-delà du décompte des morts (astronomique) et de la description des cruautés perpétrées, Le Glaunec propose une manière féconde d’interroger l’histoire coloniale. Instrumentalisé à souhait par les Haïtiens de toutes les époques, le cri de Vertières (« Grenadiers, à l’assaut ! ») demande à être réinterprété. « C’est le cri d’une réconciliation à venir, un appel à la réunion de “deux hémisphères”, aujourd’hui séparés par des silences et des murmures qui forment la trame de ce livre. »
(L’armée indigène : La défaite de Napoléon en Haïti, par Jean-Pierre Le Glaunec, Lux Éditeur, 288 p., 24,95 $)
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De la théorie des humeurs à la RAMQ
Vaste ouvrage que Histoire de la médecine au Québec, qui se donne pour mission d’expliquer l’évolution des soins de santé au Québec depuis la colonie. Le lecteur apprend, par exemple, que les Sœurs de la Providence reconnaissaient le cannabis comme « narcotique puissant » au XIXe siècle, sans que l’on sache cependant si la plante était cultivée dans les jardins du couvent. Les auteurs couvrent ainsi trois siècles de pratique médicale, de l’hygiénisme à la médecine préventive en passant par le virage important marqué par l’assurance maladie en 1970. Écrit pour un public non spécialisé, cet ouvrage saura fasciner, ne serait-ce que par la description de pratiques médicales disparues, comme l’usage du mercure contre la syphilis.
(Histoire de la médecine au Québec, par Denis Goulet et Robert Gagnon, Septentrion, 458 p., 54,95 $)
Le trèfle et le lys
Les liens qui unissent les Irlandais et les Québécois sont nombreux. Saviez-vous, par exemple, que les Irlandais de Montréal ont joué un rôle crucial dans la mobilisation ouvrière au XIXe siècle ? Cet aspect de l’immigration irlandaise au Québec et d’autres sujets ayant trait à la culture, à l’histoire et à l’identité sont explorés dans cet ouvrage collectif dirigé, entre autres, par Linda Cardinal, professeure à l’Université d’Ottawa. Certains auteurs décrivent avec beaucoup d’à-propos les références à l’Irlande dans le cinéma, la littérature et la musique du Québec, comme Marc Chevrier, de l’UQAM, qui signe un article fort éclairant sur la place qu’occupe l’Irlande dans l’œuvre de Victor-Lévy Beaulieu.
(Le Québec et l’Irlande, ouvrage collectif, Septentrion, 298 p., 29,95 $)
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