Les syndicats ne font pas dans la dentelle pour dénoncer le projet de loi 3 sur la réforme des régimes de retraite municipaux. Ils crient littéralement au vol, accusant le gouvernement Couillard et les maires qui appuient la réforme d’agir comme des criminels.
Au fur et à mesure qu’on se rapproche de la commission parlementaire sur l’étude du projet de loi (qui débutera le 20 août, à Québec), les employés municipaux durcissent le ton. Mardi, le syndicat des 6 500 cols bleus de Montréal a menacé de faire une grève générale illimitée.
De quoi faire réfléchir. Les cols bleus se sont calmés depuis la fin du règne de Jean Lapierre, le président emprisonné pendant 29 jours pour avoir coordonné une émeute à l’hôtel de ville. Insatisfaits de l’allure des négociations, en 1993, les cols bleus avaient enfoncé les portes de l’édifice avec des béliers.
Historiquement, les cols bleus ont arraché par la force, le chantage et l’intimidation des contremaîtres les acquis de leur convention collective. S’ils le désirent, ils ont encore la capacité de perturber la prestation des services publics (on appelle ça un rapport de force en relations de travail).
Le nouveau président, Michel Parent, n’est pas de l’étoffe des Jean Lapierre (c’est un compliment). Depuis son élection, le syndicat s’est graduellement éloigné des méthodes de hors-la-loi qui caractérisaient l’âge de Lapierre. Lors des élections municipales de 2009, M. Parent avait comparé le maire Gérard Tremblay, l’homme qui «n’est jamais coupable de rien» et «ne se rappelle de rien», aux fraudeurs Vincent Lacroix, Earl Jones et Jean Lafleur.
Des propos durs, mais rien pour finir en prison. Sous Michel Parent, les cols bleus ont négocié une entente historique en 2012, trois mois avant l’expiration de leur convention collective. Du jamais-vu dans l’histoire des relations houleuses entre les cols bleus et la Ville de Montréal.
Sentant la soupe chaude et l’austérité poindre à l’horizon, les cols bleus ont volontairement accepté de revoir le partage du régime de retraite avec la Ville de Montréal. Le partage des coûts est de 55 % pour la Ville et de 45 % pour le syndicat jusqu’en 2017. C’est tout près du partage à parts égales visé par le projet de loi 3.
Le président des cols bleus a des raisons d’être en beau fusil. Contrairement à d’autres groupes d’employés municipaux, les cols bleus ont mis de l’eau dans leur vin. Le projet de loi 3 vient saper les bases du contrat négocié de bonne foi, il y a à peine deux ans. Michel Parent a traité les libéraux de «bandits». «Quand quelqu’un vient chercher quelque chose que tu as accumulé de bonne foi avec l’employeur pour te l’enlever, c’est un vol», a-t-il dit.
Les syndicats des policiers et des pompiers de Montréal tiennent à peu près le même discours. Eux aussi, ils ont négocié des ententes de bonne foi, et ils déplorent l’arbitraire du projet de loi 3, qui minerait leur droit à la libre négociation.
La solution «mur à mur» envisagée par le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, sème la zizanie. Les employés municipaux s’y opposent tous. Des maires des grandes villes comme Yves Lévesque, à Trois-Rivières, sont contre.
Et le maire de Montréal, Denis Coderre, serait prêt à faire des concessions pour calmer les cols bleus. «J’ai toujours dit que la négociation se ferait syndicat par syndicat. Il n’y aura pas de mur à mur», a-t-il dit.
Voilà qui causera de sérieux maux de tête au ministre Moreau. Quelle politique serait la plus arbitraire, au fond? Imposer à tous les employés la même formule de partage des coûts du régime de retraite, par souci d’équité et de cohérence? Ou dispenser de l’application de la loi les syndicats qui ont conclu des ententes vite fait, bien fait dans le passé récent?
La première solution serait facile à appliquer, mais elle frustrerait tous les syndicats. La seconde inviterait à un subtil découpage, selon des critères flous, entre les syndicats «méritants» qui seraient épargnés et ceux qui devraient passer dans le tordeur de la loi 3.
Peu importe l’issue de la commission parlementaire, il faut espérer une chose : que l’intérêt des contribuables et la saine gestion des finances publiques priment sur toute autre considération.
Les citoyens n’ont pas les ressources et les moyens des syndicats et des décideurs publics pour faire entendre leur voix. Ce sont eux qui paient la facture, ne l’oublions pas.
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À propos de Brian Myles
Brian Myles est journaliste au quotidien Le Devoir, où il traite des affaires policières, municipales et judiciaires. Il est présentement affecté à la couverture de la commission Charbonneau. Blogueur à L’actualité depuis 2012, il est également chargé de cours à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On peut le suivre sur Twitter : @brianmyles.
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