Trois cent mille dollars. C’est le prix qu’auront à payer Bernard «Rambo» Gauthier, Richard Goyette, la FTQ-Construction et un syndicat affilé, l’Union des opérateurs de machinerie lourde, pour avoir dit et toléré des âneries.
Les deux syndicalistes forts en gueule ont été condamnés, mercredi, pour diffamation par la Cour supérieure. Ils s’étaient attaqués à la réputation de l’ingénieur Jean-Yves Lepage.
Son crime ? Lepage avait dénoncé l’intimidation et la discrimination sur les chantiers de la Côte-Nord dans le cadre de l’émission Enquête, en mars 2010. C’est lui qui avait accusé le premier Gauthier de «faire la pluie et le beau temps» sur ces chantiers.
Le grand capital qui s’acoquine aux médias néolibéraux (forcément de droite) pour dénigrer la FTQ-C, ça ne passe pas dans l’imaginaire des Gauthier et Goyette de ce monde.
Gauthier (délégué syndical des opérateurs de machinerie lourde sur la Côte Nord) et Goyette (ex-directeur général de la FTQ-C), avaient attaqué Jean-Yves Lepage avec l’équivalent verbal d’un deux par quatre.
À la suite de la diffusion du reportage, Bernard Gauthier avait qualifié Jean-Yves Lepage d’«assassin». Richard Goyette avait renchéri en décriant son incompétence et son imprudence sur les chantiers. Ils en faisaient même le bouc émissaire parfait, en lui attribuant la mort d’un homme sur le chantier de la rivière Toulnoustouc.
Fait exceptionnel, la juge Michèle Monast a accordé des dommages punitifs à Lepage, ce qui témoigne de la lourdeur de la faute.
La juge Monast a attribué «un niveau de gravité élevé» aux propos de Gauthier et Goyette. Ils savaient que les propos de Lepage étaient vrais, mais ils ont fait «le choix délibéré et concerté d’en nier la véracité», dans l’intention assumée de nuire à sa réputation.
Sans surprise, la FTQ-C a décidé de porter la cause en appel. C’est la politique de la maison de se battre bec et ongles pour ses représentants syndicaux.
La centrale évoque le droit fondamental à la liberté d’expression de Gauthier et Goyette. Sur ce point, il y a peut-être matière à contestation. Je dis bien peut-être. En matière de diffamation, les tribunaux tolèrent l’expression critique et le discours musclé, sans pour autant accepter n’importe quoi.
À titre d’exemple, les tribunaux ont blanchi la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et ses administrateurs, qui avaient qualifié de «traîtres» les députés fédéraux du Québec ayant appuyé le rapatriement unilatéral de la Constitution, en 1982. Mais les tribunaux ont aussi reconnu que le défunt financier Richard Lafferty était allé trop loin en comparant Lucien Bouchard et Jacques Parizeau à Hitler.
Je ne suis pas sûr que les tribunaux supérieurs vont permettre qu’on impute à un honnête homme la mort d’un travailleur sur un chantier (l’équivalent d’une accusation de négligence criminelle), sans la moindre preuve, au nom de la liberté d’expression.
Avec Bernard Gauthier et Richard Goyette dans le camp des requérants, le débat sera à tout le moins divertissant.
«Ce qu’on considère, à la FTQ-Construction, c’est qu’il faut quand même tolérer une certaine liberté d’expression. Et M. Gauthier, avec son langage coloré, défend encore et toujours les travailleurs. On ne peut pas lui enlever ça», a dit le porte-parole de la centrale, Merlin Trottier-Picard.
Bernard Gauthier a voulu se faire passer pour la réincarnation de Michel Chartrand à la commission Charbonneau : un impénitent défenseur des travailleurs. Il est revenu en héros (du moins parmi les siens) sur la Côte-Nord, avec en prime des porte-clés à son effigie.
Voilà maintenant qu’il pourra se draper des habits du pamphlétaire à la manière d’un Voltaire. Un homme de cause, à n’en point douter.
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À propos de Brian Myles
Brian Myles est journaliste au quotidien Le Devoir, où il traite des affaires policières, municipales et judiciaires. Il est présentement affecté à la couverture de la commission Charbonneau. Blogueur à L’actualité depuis 2012, il est également chargé de cours à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On peut le suivre sur Twitter : @brianmyles.
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