Un entrepreneur candide, Louis Marchand, a mis les péquistes, les libéraux et les ex-adéquistes dans le même bain sale du financement illégal à la commission Charbonneau. Il était à peu près temps.
Le patron de l’entreprise de construction et de réhabilitation routière Maskimo, bien implantée en Mauricie, a qualifié de «mythe» la loi sur le financement populaire.
Adoptée en 1977, cette loi interdisant le financement par les entreprises a fait la fierté des démocrates québécois pendant près de 40 ans. «C’est le plus grand drame d’hypocrisie collective au Québec», a lancé M. Marchand.
Soumis à une intense pression pour atteindre des objectifs de financement élevés — jusqu’à 100 000 dollars pour un ministre dans le gouvernement de Jean Charest —, les députés se tournaient, en désespoir de cause, vers les grands cabinets de génie-conseil, d’avocats et de comptables, de même que vers les entrepreneurs en construction, pour faire le plein de contributions illégales.
Le voleur d’élections Gilles Cloutier en a dit autant, en mai 2013, lors de son témoignage. Selon l’homme de main de Roche, les grandes entreprises ont mis deux ou trois ans à contourner la loi de René Lévesque, en recourant à des prête-noms.
En 2013, la commission Charbonneau explorait les égouts de la politique municipale. Elle ne voulait surtout pas entendre parler des stratagèmes à l’œuvre en politique provinciale, même si les mêmes firmes — les Génius, Roche, BPR, Genivar, Dessau, Tecsult, SNC-Lavalin et consorts — adoptaient les mêmes pratiques avec les maires ou les ministres.
Michel Lalonde, le P.-D.G. de Génius, en savait un bout sur le financement provincial, mais il n’a guère été interrogé à ce sujet.
La commission a gardé pour la fin la partie la plus importante et la plus délicate de son mandat. Si elle ne parvient pas à percer les secrets du financement illicite au provincial, elle ne pourra pas prétendre sérieusement qu’elle a livré la marchandise.
Selon le scénario le plus optimiste, il reste 27 journées d’audiences si la commission siège jusqu’au 4 juillet (21 si les audiences arrêtent le 20 juin). En principe, la session d’automne sera consacrée à l’étude des mémoires les plus intéressants soumis par les citoyens, dernière étape publique des travaux avant la remise du rapport final, en avril 2015.
Depuis la reprise des travaux, le 8 avril, la commission n’a guère entendu de témoins aussi utiles et pertinents que Louis Marchand. La trêve électorale, observée pour éviter que les travaux de la commission soient instrumentalisés par les partis en campagne, apparaît aujourd’hui comme une décision d’une excessive prudence.
Il en faudra d’autres comme Louis Marchand, et vite, car le temps file.
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À propos de Brian Myles
Brian Myles est journaliste au quotidien Le Devoir, où il traite des affaires policières, municipales et judiciaires. Il est présentement affecté à la couverture de la commission Charbonneau. Blogueur à L’actualité depuis 2012, il est également chargé de cours à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On peut le suivre sur Twitter : @brianmyles.
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