Les professeurs Luc Godbout et Claude Montmarquette ont évoqué, la semaine dernière, une idée audacieuse : privatiser 10 % d’Hydro-Québec et de la Société des alcools du Québec (SAQ), en dernier recours pour renflouer les coffres de l’État.
Sur le fond, je ne vois pas beaucoup de raisons en faveur du contrôle, par l’État, d’un réseau de commerce au détail. Il y a des raisons historiques et sociales qui ont conduit à la création et à la mise sur pied de la SAQ, mais le seul argument qui tienne encore la route, selon moi, c’est que c’est payant et que l’État a besoin d’argent.
Hydro-Québec est un puissant symbole depuis sa création, en 1944, par Adélard Godbout. C’est une immense vache à lait, et, on l’a bien vu, elle est aussi utilisée comme un outil de développement économique.
Un débat sur la nationalisation totale de ces deux sociétés serait passionnel et saperait toutes les énergies du nouveau gouvernement. Il faut choisir ses priorités, et je pense que l’assainissement des finances publiques est, en soi, un immense projet.
Pourrait-on néanmoins envisager la vente d’une petite portion de 10 % de ces sociétés ? N’aurait-on pas les avantages de l’ouverture au capital (discipline, plus grand souci de la performance aux dépens des commandes politiques, etc.) tout en encaissant quelques milliards ?
Yvan Allaire estime que de telles transactions ne seraient pas si payantes et priveraient l’État d’une partie de ses dividendes annuels. Si je résume à ma manière : la perte de revenus de dividendes serait plus élevée que les paiements d’intérêts épargnés par la vente de 10 % du capital.
Les questions de la gestion et de l’avenir des sociétés d’État restent néanmoins entières. Il est difficile de les évaluer correctement parce que ces sociétés sont en situation de monopole. Sont-elles aussi efficaces et aussi bien gérées que d’autres sociétés productrices d’énergie, ou spécialisées dans le commerce au détail de boissons et de spiritueux ? Plus important encore : peuvent-elles accroître leurs revenus et atteindre une plus forte rentabilité ? Et d’où viendra leur croissance future ?
J’ai l’impression que la SAQ ne réussira pas à nous faire boire davantage et qu’Hydro-Québec dispose de surplus pour plusieurs années encore. Dans les deux cas, le marché québécois me paraît saturé, et les perspectives d’exportation d’électricité québécoise semblent moins intéressantes à cause du gaz de schiste.
Au lieu de penser Québec seulement, pourrait-on élargir l’horizon de ces sociétés pour en faire des acteurs internationaux ? Si la Caisse de dépôt et de placement du Québec détient des actifs partout dans le monde, pourquoi la SAQ ne deviendrait-elle pas un spécialiste mondial haut de gamme de la vente de vin et de spiritueux ? Pourquoi Hydro-Québec ne serait pas une sorte de Statoil de l’hydroélectricité, comme l’est la société d’État pétrolière norvégienne présente dans plusieurs pays ?
On pourrait se donner l’ambition de bâtir des géants mondiaux et, dans ce contexte, il serait intelligent d’ouvrir le capital pour financer cette expansion et en faire profiter l’État québécois. Dans de telles circonstances, on pourrait penser à privatiser 30 %, 40 % ou même plus de ces nouvelles entreprises, qui pourraient être autrement mieux valorisées et rentables que les sociétés actuelles. Les Québécois seraient les premiers à en profiter, et cela pourrait être beaucoup plus payant pour l’État.
Si on juge que le jeu n’en vaut pas la chandelle parce que nos monopoles ne sont pas de taille pour l’arène internationale, il serait alors peut-être temps d’en tirer les conclusions appropriées.
Le statu quo actuel, qui consiste à voir ces entreprises comme des guichets automatiques sans autonomie ni ambition ni perspectives de croissance, conduit à une impasse.
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À propos de Pierre Duhamel
Journaliste depuis plus de 30 ans, Pierre Duhamel observe de près et commente l’actualité économique depuis 1986. Il a été rédacteur en chef et/ou éditeur de plusieurs publications, dont des magazines (Commerce, Affaires Plus, Montréal Centre-Ville) et des journaux spécialisés (Finance & Investissement, Investment Executive). Conférencier recherché, Pierre Duhamel a aussi commenté l’actualité économique sur les ondes du canal Argent, de LCN et de TVA. On peut le trouver sur Facebook et Twitter : @duhamelp.
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