Dimanche soir, j’ai eu le privilège de partager le plateau de Tout le monde en parle avec Alain Gravel, journaliste et animateur à Enquête, pour analyser le témoignage de Michel Arsenault à la commission Charbonneau.
Il y aura bientôt cinq ans, en mars prochain, Enquête diffusait son premier reportage sur les dépenses somptueuses de Jocelyn Dupuis à la FTQ-Construction (FTQ-C). Gravel et sa collègue Marie-Maude Denis amorçaient un fastidieux travail pour démontrer les liens entre le crime organisé et la FTQ-C, et les tentatives d’infiltration des Hells Angels et de la mafia au Fonds de solidarité.
Sans eux, il n’y aurait probablement pas eu de commission Charbonneau, ai-je souligné dimanche. Bien sûr, ils n’ont pas tout déterré à eux seuls.
D’autres journalistes d’enquête sont entrés dans le bal, dont mon ancienne collègue du Devoir Kathleen Lévesque, l’une des première à avoir traité d’un cartel des ingénieurs qui faisait main basse sur les contrats publics à Montréal. André Noël, recruté comme enquêteur à la commission Charbonneau, André Cédilot et Fabrice de Pierrebourg ont déplacé pas mal d’air dans les pages de La Presse. Lors de la remise des prix Judith-Jasmin, récompensant l’excellence en journalisme, ils rivalisaient avec Enquête pour l’excellence de leurs reportages sur l’industrie de la construction.
À La Gazette, la toujours rigoureuse Linda Gyulai a épluché minutieusement les bases de données publiques pour révéler l’existence de la corruption et de collusion. Du côté de QMI, Andrew McIntosh a aussi creusé ces sujets de la plus haute importance.
Les policiers ont mis un peu plus de temps à investir la vaste scène de crime de la corruption au Québec, mais lorsqu’ils l’ont fait, ils ont éclairé des recoins qui étaient inaccessibles aux faisceaux des journalistes, grâce à leurs pouvoirs étendus d’enquête.
Mais j’oublie l’essentiel. C’est Marie-Maude Denis qui me le rappelait hier. Le travail remarquable des journalistes d’enquête au Québec, tous médias confondus, serait impossible sans la contribution de leurs sources. Ces sources sont souvent restées dans l’anonymat, par craintes de représailles. Celles qui ont osé témoigner à visage découvert, comme Ken Pereira, en ont souffert.
Pereira est le seul syndicaliste à avoir été expulsé de la FTQ-C après avoir dénoncé le train de vie princier de Jocelyn Dupuis. Bien des membres de l’exécutif syndical, qui ont autorisé les dépenses de Dupuis, sont toujours en poste…
L’ex-ministre péquiste Serge Ménard, bien que tardivement, a dénoncé les tentatives de corruption de Gilles Vaillancourt, ce politicien accroc des enveloppes brunes. Il mettait ainsi un grain de sable fatal dans l’engrenage de la corruption à Laval.
L’ex-ingénieur au ministère des Transports du Québec, François Beaudry, a exposé à Enquête le trucage des appels d’offres dans les contrats publics. Il a d’ailleurs reçu une médaille de l’Assemblée nationale pour son courage.
Sans l’apport de leurs sources, les journalistes ne seraient allés nulle part. Leur contribution est inestimable pour la vie démocratique. Ces sources ont fait bien plus que d’alimenter les journalistes en histoires croustillantes. Elles ont transcendé une culture de la peur.
La peur est tout aussi efficace que la violence pour les organisations criminelles. Elles cherchent à imposer à la population la loi du silence, cette omertà qui dicte leur propre conduite.
En prenant publiquement la parole, de façon anonyme ou pas, les sources ont privé les magouilleurs d’un puissant outil de persuasion. Je leur lève mon chapeau.
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