MONTRÉAL – Dans un extrait d’écoute électronique entendu mardi par la Commission Charbonneau, l’entrepreneur en construction Tony Accurso propose au pdg de la SOLIM, Guy Gionet, de participer à ce qu’il appelle un «tax scheme».
L’extrait d’écoute, qui date de février 2009, a trait à des terrains vacants à Terrebonne qu’une entreprise de M. Accurso détenait déjà avec la SOLIM, le bras immobilier du Fonds de solidarité de la FTQ. M. Accurso propose un «tax scheme» pour le rendre temporairement seul propriétaire du vaste terrain pendant une courte période de temps. Dès que ce sera approuvé, dit M. Accurso, il pourra tout changer.
«Guy, tu te souviens que je t’avais parlé rapidement du terrain à Terrebonne qui avait un tax scheme que je voulais jouer? Il faut absolument, pour que ça fonctionne, que je sois propriétaire personnel du terrain à 100 pour cent pour un laps de temps. Après ça, on se réorganisera autrement. C’est pour une courte période de temps», affirme M. Accurso.
«Tu veux que je regarde ça comment on pourrait faire ça?» lui réplique M. Gionet. «Et combien de temps que t’as besoin de…»
«Six mois, un an», lui répond l’entrepreneur.
«Ok, je regarde ça et je te rappelle», lui répond M. Gionet.
Finalement, le projet de construction résidentielle sur ce vaste terrain vacant n’a pas vu le jour, selon M. Gionet. Mais c’est parce qu’il aurait eu aussi des répercussions fiscales pour la SOLIM.
Le commissaire Renaud Lachance lui a carrément demandé s’il ne s’agissait pas d’une façon d’éviter de l’impôt à Tony Accurso.
«Quand on écoute le ton de la voix de M. Accurso qui propose une transaction… un tax scheme, parfois, ça peut être interprété comme une transaction artificielle, de justement contourner un peu les lois fiscales pour éviter de payer un fardeau fiscal. C’est un peu ça qu’on sent dans l’offre qu’il vous fait. Et vous, vous dites ‘je vais regarder ça quand même’? Donc, pendant un temps, un an, on va faire semblant que c’est moi qui suis le propriétaire à 100 pour cent et après ça, on va s’organiser pour les retourner, vos terrains. Ça ne donne pas une invitation, un peu, à participer à ce qui pourrait s’appeler une forme d’évitement fiscal ou même de fraude fiscale?» lui a demandé le commissaire Lachance.
La juge France Charbonneau s’est aussi élevée contre son attitude, arguant qu’en tant que pdg de la SOLIM, il aurait eu «l’autorité» pour refuser d’embarquer dans le stratagème, mais qu’«il n’avait pas le caractère» pour le faire.
Lavallée, un «dieu»
Comme il l’avait fait la veille, M. Gionet a cherché à se délester de ses responsabilités de pdg de la SOLIM en montrant du doigt le président du conseil d’administration, Jean Lavallée. Lundi, il avait affirmé qu’il n’avait guère le choix de suivre ses directives.
«Monsieur Lavallée, juste pour vous mettre dans le contexte, c’est quand même un dieu. Le terme est un peu fort, (mais c’est) un dieu à la FTQ et au Fonds. C’est quelqu’un de très, très, très puissant. Il est là depuis le début, la création du Fonds; c’est son bébé», a illustré M. Gionet.
Le témoin a aussi raconté qu’à au moins deux reprises, il a demandé à Jean Lavallée s’il n’y aurait pas lieu de pousser plus loin les vérifications auprès des partenaires d’affaires de la SOLIM. Mais M. Lavallée s’y est refusé, affirmant que le bilan social des entreprises ne relevait pas de lui, que le Fonds s’en occupait déjà.
M. Gionet affirme avoir alors senti qu’il ne pouvait influencer M. Lavallée, que sa décision était prise de ne pas renforcer les vérifications des partenaires de la SOLIM.
Stratégie de sortie
La commission d’enquête a ensuite entendu plusieurs minutes d’écoute électronique portant sur la stratégie de sortie de crise au Fonds de solidarité et à la SOLIM, après que plusieurs transactions eurent fait l’objet de reportages dans les médias.
C’est alors que pour sauvegarder sa réputation, la direction du Fonds a décidé de prendre ses distances des entreprises de Tony Accurso et de Denis Vincent, ainsi que des dossiers amenés par Jocelyn Dupuis, ex-directeur général de la FTQ-Construction, a expliqué M. Gionet. Le pdg du Fonds de solidarité, Yvon Bolduc, parle carrément des «cochonneries, encore, qui venaient de Jocelyn» (Dupuis).
Dans des extraits, MM. Bolduc et Gionet cherchent une façon de sortir de ces partenariats en ménageant l’orgueil du partenaire en question, en lui faisant comprendre que lui aussi sera gagnant au change.
M. Gionet propose même de se servir du spectre des banques, en disant au partenaire problématique que les banques ne voudront plus financer le projet, à cause des reportages dans les médias, et qu’ils sont donc condamnés à s’entendre pour une sortie honorable pour tous.
«Là, pour Place Québec, j’appelle les banques. Place Québec, je le passerais en disant ‘regarde, il faut absolument qu’on te protège là-dedans; laisse-moi te protéger; sors’. Ça a l’air bête à dire, mais il ne faut pas que je dise regarde, stie, ta réputation, on veut plus t’avoir, décrisse, tu comprends? C’est dans ce sens-là qu’il faut toujours que je le mette comme: j’ai ce que je veux, mais il pense qu’on est correct avec lui, que c’est pour le protéger aussi», propose M. Gionet à Yvon Bolduc.
Dans d’autres extraits, M. Gionet semble plutôt prendre parti pour Tony Accurso, lui disant comment se tenir face au Fonds de solidarité, comment exprimer son mécontentement face à la façon dont il a été traité par le Fonds dans les médias.
M. Gionet semble donc jouer sur les deux tableaux, étant tantôt du côté d’Yvon Bolduc, du Fonds de solidarité, tantôt du côté de M. Accurso. Quand la juge France Charbonneau le lui a souligné, il a justifié son attitude par le fait qu’il cherchait habilement à trouver une sortie honorable pour tous.
Lorsque M. Gionet aura terminé son témoignage devant la commission, vraisemblablement mercredi, il sera suivi par Jean Lavallée.
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