L’économie, c’est un peu comme un patient dans une salle de soins intensifs.
Comme à l’hôpital, tous les signes vitaux sont suivis de près et interprétés. Comme pour le corps humain, il existe des mesures pour toutes les activités, et de savants docteurs se penchent sur le sujet pour chercher à comprendre ce qui se passe — et quels traitements pourraient corriger une situation jugée malsaine ou anormale.
Mais contrairement à la médecine, l’économie n’est pas vraiment une science, et l’activité humaine ne se réduit pas à une série de données et d’équations.
L’interprétation de ces chiffres n’est jamais tout à fait neutre et dépend, au moins en partie, des valeurs et des convictions de l’expert. Il me semble qu’un cardiologue ne s’interroge pas longtemps sur la nature d’une maladie coronarienne, alors qu’un économiste a le choix entre plusieurs bonnes réponses pour expliquer ou justifier un phénomène particulier.
Ces jours-ci, le dollar canadien prend une sacrée débarque sur le marché des devises. Après avoir reculé de 7 % en 2013, il a perdu 2 % depuis le début de l’année. Il pourrait même glisser sous les 92 cents vendredi si les données sur le marché de l’emploi sont inquiétantes.
Cette baisse inquiète certains économistes. Pour eux, un dollar fort est l’équivalent d’une bonne pression sanguine et d’un bas taux de cholestérol. Un dollar à parité avec la devise américaine serait le signe d’une économie qui va bien.
Ils vous diront aussi que les industriels pourront s’équiper à bon prix, que les consommateurs pourront acheter des produits importés à prix raisonnable et que leurs vacances à l’étranger ne les ruineront pas. Bref, que du bon.
Ils vous diront enfin qu’un huard qui perd de l’altitude cache de sérieux problèmes. S’il le huard faiblit, c’est que notre déficit commercial accuse un déficit de 940 millions de dollars en novembre et que le solde commercial est déficitaire depuis 23 mois consécutifs.
Non seulement le Canada ne profite pas de la vigueur retrouvée de l’économie américaine, mais nous subissons de plein fouet les conséquences de notre faible productivité, qui croît deux fois moins que celle de notre puissant voisin.
Pire, cette perte de compétitivité se traduit par de faibles augmentations de salaire et l’érosion du secteur manufacturier.
Résumons : nous sommes moins productifs, ce qui rend nos produits moins compétitifs et plus difficiles à vendre sur les marchés étrangers. La glissade du huard traduit cet état préoccupant.
Pour d’autres économistes, cette baisse du huard est salutaire. Notre dollar était trop haut, ce qui engendrait des conséquences néfastes sur l’économie. Le glissement du huard permettra justement à nos exportateurs d’être plus compétitifs et de vendre plus facilement leurs produits.
Ces économistes prient pour que la Banque du Canada laisse aller les choses, car son intervention se traduirait par une hausse des taux d’intérêt, qui serait dommageable compte tenu du niveau d’endettement des ménages et de l’État.
Ces économistes, habituellement plus interventionnistes, souhaitent que les choses restent comme elles sont là et que le huard trouve son niveau «naturel» qui reflète la force réelle de notre économie.
Nos économistes plus libéraux, au sens économique du terme, se mettent, eux, à rêver à des taux d’intérêt plus élevés qui récompensent les épargnants et à un dollar fort qui rend indispensable une meilleure productivité.
Les deux démarches sont logiques, et vous trouverez des centaines d’études et des milliers d’équations qui défendent les deux positions.
Cela dit, une bonne année à tous. Santé, bonheur et prospérité !
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