Un gouvernement devrait-il harmoniser ses politiques intérieure et extérieure ? La question se pose à la lecture d’un article récent de la Presse Canadienne qui incluait le passage suivant:
«Une responsable haut placée de l’ONU félicite le gouvernement Harper pour ses politiques étrangères visant à mettre fin au mariage forcé, bien qu’Ottawa refuse de financer les projets qui favoriseraient l’accès à l’avortement pour les victimes.»
Depuis son élection en 2006, et malgré le fait qu’il tolère les initiatives privées de certains de ses députés, Stephen Harper a plusieurs fois affirmé que son gouvernement ne cherchait pas à rouvrir le débat sur l’avortement, légal depuis la décision de la Cour suprême dans l’affaire Morgentaler, en 1988.
En ce qui concerne la politique intérieure, le gouvernement Harper a tenu parole. Aucun des projets de loi visant à limiter le droit à l’avortement n’a reçu l’appui du gouvernement, et tous se sont retrouvés dans les limbes du processus législatif. Dans les faits, sous les Conservateurs, rien n’a changé au pays sur la question.
Pour ce qui est de la politique étrangère, toutefois, les Conservateurs ont visiblement choisi d’imiter la «politique de Mexico» des Républicains américains et d’adopter une position résolument antiavortement — même en cas de viol. Et cette fois, il ne s’agit pas d’initiatives isolées de la part de députés Conservateurs, mais de la position officielle du gouvernement canadien.
Or, si la politique des Républicains est justifiée par une certaine cohérence — le parti clame haut et fort son opposition à l’avortement, incluant aux États-Unis, et cherche activement à faire renverser la décision de la Cour suprême dans l’affaire Roe v. Wade —, celle du gouvernement Harper paraît plutôt cynique.
Quand celui-ci affirme qu’il ne souhaite pas rouvrir le débat sur l’avortement, faut-il comprendre qu’il ne touchera pas aux droits des Canadiennes, mais qu’il s’attaquera aux droits des femmes d’autres pays ? Peut-on honnêtement affirmer qu’on ne rouvre pas le débat sur l’avortement tout en modifiant la politique étrangère de soutien à l’avortement ? Qui a dit que seule la politique intérieure était pertinente dans ce débat ?
Aux États-Unis, les Républicains s’opposent à l’avortement partout, tout le temps, peu importe qu’il s’agisse de femmes américaines ou étrangères. Le parti considère l’interruption volontaire de grossesse comme un geste impermissible et il applique la même norme morale, peu importe les circonstances. On peut évidemment débattre du fond de la question, mais la position est constante et cohérente.
Le gouvernement Harper tient quant à lui des discours contradictoires selon les auditoires : l’avortement serait légal et acceptable pour les Canadiennes, mais pas pour les étrangères. En politique interne, le dossier est clos, mais on le rouvre allègrement quand on sort de nos frontières. Les Conservateurs ont-ils perdu le compas moral dont ils aiment tant se réclamer ?
Parions plutôt que ces incohérences sont le résultat d’un calcul politique du gouvernement, qui exporte, comme des déchets toxiques, les idées de ses indispensables alliés de la droite religieuse, qui lui feraient perdre le pouvoir si elles étaient déployées ici. C’est une violation de la règle d’or, et peut-être le symptôme d’un parti pour qui le seul compas qui compte, c’est celui qui pointe vers la victoire à tout prix.
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