QUÉBEC – La gestion du programme fédéral d’assurance-emploi devrait être déléguée au Québec, selon la commission coprésidée par Gilles Duceppe et Rita Dionne-Marsolais, qui a examiné pendant plusieurs mois cette question, à la demande de la première ministre Pauline Marois.
Pour éviter un éternel débat constitutionnel, les coprésidents ont cependant renoncé à revendiquer un rapatriement comme tel de cette compétence, se contentant plutôt de proposer une délégation de pouvoirs par entente administrative, sur le modèle de ce qui a été conclu dans les dossiers de l’immigration et de la formation de la main-d’oeuvre. Ils demandent donc au gouvernement Marois d’entreprendre des négociations en ce sens avec Ottawa.
En campagne électorale, à l’été 2012, Mme Marois avait dénoncé la réforme Harper et s’était engagée à militer pour le rapatriement au Québec de cette compétence fédérale si elle devenait première ministre.
La commission va dans le même sens, mais se montre plus modeste dans ses attentes. «On ne parle pas d’une entente d’ordre constitutionnel, mais bien (d’une entente) administrative, pour les raisons que l’on connaît. Une fois le régime maintenu, on parle de délégation de la gestion», a résumé M. Duceppe, en rendant public son rapport, mercredi.
Mais Québec, qui, on s’en doute, a accueilli le rapport favorablement, ne semble pas pressé d’en découdre avec Ottawa pour négocier un transfert de pouvoirs. Le gouvernement a préféré réagir au rapport en disant que le gouvernement fédéral devait d’abord, de toute urgence, refaire ses devoirs et appliquer les correctifs proposés par la commission.
La revendication de pouvoirs accrus s’en est trouvée réduite au rang des solutions «à moyen terme». «À très court terme, il appartient au gouvernement fédéral de corriger le tir», a estimé le ministre des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier, en point de presse.
La réforme fédérale de l’assurance-emploi constitue «la mise en péril du travail saisonnier», a renchéri la ministre de l’Emploi, Agnès Maltais, en jugeant qu’Ottawa s’attaquait aux travailleurs saisonniers, en leur imposant des restrictions, plutôt qu’au chômage.
La commission recommande de plus que le gouvernement fédéral recommence à participer financièrement au programme d’assurance-emploi, actuellement financé uniquement par les employeurs et les travailleurs.
Elle demande aussi à Ottawa de créer une caisse autonome, graduellement alimentée par un fonds de réserve de 15 milliards $, dont les fonds devraient être exclus du périmètre comptable du gouvernement fédéral. On cherche ainsi à éviter qu’Ottawa soit tenté de piger dans la caisse, comme ce fut le cas dans le passé: de 1994 à 2008, le gouvernement fédéral a détourné à d’autres fins 57 millions $ des cotisations à l’assurance-emploi.
Une mainmise de Québec sur la portion québécoise du programme — une cagnotte de près de 5 milliards $ — permettrait, selon la commission, de mieux adapter le programme aux spécificités de l’économie et de la main-d’oeuvre québécoises.
Ottawa ne perdrait pas au change, selon la coprésidente de la commission. En transférant à Québec le volet québécois du programme, le fédéral pourrait «baisser ses coûts et améliorer l’efficacité du service pour ce secteur de l’économie», a fait valoir Mme Dionne-Marsolais.
En avril, l’ex-chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, et l’ex-ministre péquiste Rita Dionne-Marsolais avaient reçu du gouvernement le mandat d’analyser l’impact au Québec de la réforme controversée du programme d’assurance-emploi, décrétée l’an dernier par le gouvernement de Stephen Harper.
La commission, qui a reçu 170 mémoires et avis d’experts pour mener à bien ses travaux, a formulé 30 recommandations dans son rapport d’une centaine de pages, qui démolit la réforme fédérale point par point.
Notamment, ils proposent d’abolir un des axes de cette réforme, qui créait trois catégories de prestataires (prestataire occasionnel, prestataire fréquent et travailleur de longue date) ayant des obligations différentes de recherche d’emploi.
Les auteurs du rapport critiquent aussi le sort réservé aux travailleurs saisonniers, un phénomène qui est loin d’être marginal. En 2012, Montréal comptait 37 700 prestataires considérés comme des travailleurs saisonniers.
Le ministre de l’Emploi et du Développement social, Jason Kenney, a fait parvenir une déclaration en soirée, dans laquelle il soutient qu’il est «difficile de débattre avec des gens qui ignorent sciemment les faits, utilisent de la désinformation (…) pour monter une grande campagne de la peur».
«Il est clair que la Commission nationale d’examen sur l’assurance-emploi, qui fait le tour de la province depuis maintenant un bon moment (…), n’a été qu’un exercice politique depuis le début — une Commission dont le seul intérêt a été de faire peur aux Québécois, sans les informer des faits entourant les changements du gouvernement fédéral au régime d’assurance-emploi», a écrit M. Kenney.
Plus tôt, à Ottawa, le ministre avait réagi au rapport en rappelant que le Québec reçoit près d’un milliard de dollars de plus en prestations que ce qu’il verse en cotisations au programme. Il avait dit ne pas avoir encore lu le rapport.
Les orientations du rapport ont été saluées par les principales centrales syndicales: la CSD, la CSN, la CSQ et la FTQ.
La porte-parole du Parti libéral du Québec en matière d’emploi et d’économie sociale, Kathleen Weil, a déploré par communiqué que la Commission «n’ait finalement servi qu’à établir des constats qui étaient l’évidence même avant le début de ses travaux».
Elle a aussi parlé d’un dossier «politisé» par le gouvernement Marois. Selon Mme Weil, le gouvernement péquiste aurait plutôt dû «créer des alliances avec les autres provinces canadiennes pour faire valoir les intérêts et les demandes du Québec», et «rencontrer tous les chefs des partis fédéraux dans le but d’établir un dialogue productif».
Mme Weil a avancé qu’un «rapatriement administratif» de l’assurance-emploi coûterait cher aux contribuables québécois, faisant elle aussi valoir que la caisse fédérale verse au Québec un milliard de dollars de plus aux chômeurs qu’elle ne perçoit en cotisations de la part du Québec.
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