Le hockey est-il devenu un sport réservé aux riches ? Quels sacrifices les jeunes hockeyeurs doivent-ils consentir pour espérer, un jour, percer dans les grandes ligues ? Pour répondre à ces questions, le journaliste Jonathan Trudel a suivi pendant six mois le parcours d’un des hockeyeurs québécois les plus prometteurs, Anthony Duclair, des couloirs du vieux Colisée, où joue son équipe junior (les Remparts de Québec), à ceux du Prudential Center, au New Jersey, où il a été recruté par les Rangers de New York au dernier repêchage de la LNH. Un extrait de son reportage est disponible ci-dessous. Pour lire la version intégrale, procurez-vous le plus récent numéro de L’actualité, disponible en kiosque.
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À sept ans, Anthony Duclair a compté neuf buts dans un match, un exploit gravé dans sa mémoire.
« Je me suis dit : wow, c’est tellement facile… C’est à ce moment que je me suis rendu compte que je pouvais faire carrière au hockey, se souvient Anthony. J’allais au Centre Bell avec mon père voir une partie du Canadien et je me disais : un jour, je vais jouer devant ces partisans. J’avais sept ans, huit ans, et je rêvais à ça. »
Pendant qu’Anthony rêvait, son père établissait, minutieusement, un plan d’attaque.
Un plan qui se résume en trois mots : s’entraîner, s’entraîner, s’entraîner.
« Si un violoniste veut jouer pour l’Orchestre symphonique, il devra s’exercer pendant des heures et des heures. C’est la même chose avec le hockey, dit Wendell Duclair. Selon moi, il faut consacrer au minimum de 5 à 10 heures par semaine à son sport pour se développer. »
Wendell Duclair a vu de près le fonctionnement du système sportif américain, ayant passé une partie de son adolescence aux États-Unis pour suivre son père, prédicateur évangélique. À son école secondaire, dans les années 1980, les élèves qui jouaient au basketball se levaient aux aurores, plusieurs fois par semaine, pour s’entraîner, en plus des matchs.
« Le programme de football était encore plus strict : ils s’entraînaient quatre fois par semaine, le matin et l’après-midi. La grande majorité de ceux qui sont allés loin jouaient sous la pluie, sous la neige, qu’il fasse soleil ou pas, raconte Wendell Duclair. Dans le système québécois, Anthony avait seulement deux heures d’entraînement par semaine, et je ne comprenais pas pourquoi. À son école, la mentalité, c’était : l’été, il faut se relaxer, faire autre chose. Ça ne me rentrait pas dans la tête. Prendre un break ? Pourquoi ? »
Pour Wendell Duclair, l’approche québécoise entrait en collision frontale avec une règle d’or : celle des 10 000 heures.
Selon cette règle, toute personne qui consacre suffisamment d’heures à l’étude et à la pratique d’un métier, d’une profession ou d’un passe-temps deviendra un expert dans ce domaine — qu’il s’agisse de la flûte traversière, des échecs, du tennis ou du dessin d’architecture. Tous les enfants ne deviendront pas de petits Mozart ou Gretzky, mais 10 000 heures (soit 20 heures par semaine, 50 semaines par année, pendant 10 ans) de labeur devraient leur permettre d’atteindre l’excellence.
L’idée a d’abord été avancée par le psychologue Anders Ericsson, il y a 20 ans. Aujourd’hui chercheur à l’Université de Floride, Ericsson a notamment étudié les cas de violonistes de l’Académie berlinoise de musique. Tous avaient commencé l’étude du violon vers l’âge de cinq ans. Quinze ans plus tard, seuls certains d’entre eux avaient atteint le statut de virtuose. Leur point commun ? À l’âge de 20 ans, ils avaient tous cumulé au moins 10 000 heures d’entraînement chacun, contre 8 000 dans le cas des élèves jugés « bons » et à peine plus de 4 000 dans celui des moins performants.
D’abord diffusés dans le milieu scolaire, ces résultats ont acquis une notoriété mondiale depuis la parution, en 2008, du best-seller Outliers : The Story of Success, écrit par Malcolm Gladwell, réputé journaliste au magazine The New Yorker. Citant abondamment les travaux d’Ericsson, Gladwell explique que la plupart des grands de ce monde, qu’ils soient sportifs, musiciens ou financiers, ont atteint le fameux cap des 10 000 heures tôt dans leur vie, ce qui leur a conféré un avantage sur les autres. La règle s’appliquerait même, selon lui, à Bill Gates — qui a passé une partie de son adolescence devant un des rares ordinateurs de la planète à l’époque — et aux Beatles — qui ont joué des nuits entières dans d’obscures boîtes de Hambourg, en Allemagne, au début des années 1960.
Bref, selon Gladwell, tout le monde aurait le potentiel de devenir une star dans son domaine. Le succès n’a rien de surnaturel et n’est pas réservé aux gens pourvus de dons innés ou de gènes exceptionnels.
Séduit par cette idée, un Américain a même quitté son emploi, au printemps 2010, pour se consacrer entièrement à la pratique du golf, espérant devenir un professionnel au bout de 10 000 heures d’entraînement. Au moment de mettre sous presse, il lui restait encore 5 511 heures d’efforts à fournir…
Certains chercheurs critiquent cette fameuse « règle d’or ». Dans son tout récent livre, The Sports Gene (août 2013), David Epstein, ancien journaliste au magazine Sports Illustrated, explique que tous les athlètes n’ont pas la même courbe d’apprentissage. S’appuyant notamment sur des études réalisées à l’Université Laval, à Québec, l’auteur montre que certains mettent 3 000 heures à atteindre l’excellence, d’autres plus de 20 000. La différence : certains ont des aptitudes génétiques permettant à leur corps de mieux s’adapter à l’entraînement et ainsi de se hisser au niveau de l’élite de leur sport.
L’entraînement seul, dit-il, ne suffit pas pour atteindre l’excellence.
Le talent seul non plus…
Trouvez le texte complet («La machine à broyer les rêves : Une enquête de 16 pages dans les coulisses du hockey») dans le numéro de L’actualité présentement en kiosque.
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