L’entente Rogers–Québecor–LNH se veut une riposte des concurrents de Bell à sa transaction avec Astral.
Bell a acheté Astral et sa programmation pour 3,4 milliards ; Rogers et Québecor volent le hockey à Bell pour 5,2 milliards et mettent la main sur la plus belle propriété sportive au pays. C’est donc un match nul entre les géants des télécommunications.
La CBC et Radio-Canada sont les grands perdants de ce nouveau paysage audiovisuel. Sans chaînes de sports ni de canaux de diffusions mobiles, une chaîne généraliste canadienne ne peut rivaliser pour les droits sportifs avec les firmes intégrées.
Les généralistes indépendantes sont hors-jeu et pour de bon, car les coûts d’acquisition de droits sont devenus inaccessibles pour elles. Cela est d’autant plus vrai pour la télévision publique, qui dépend de l’État pour une majeure partie de son financement.
Radio-Canada a perdu les droits pour le hockey il y a presque une dizaine d’années. C’est une grande chance quand on y pense, car elle a pu assurer le défi de sa pertinence sans le «produit» hockey. CBC devra réaliser le même exploit, mais avec 10 ans de retard et dans un marché encore plus difficile.
Les journaux torontois affirment que la moitié des revenus publicitaires de la CBC dépend du hockey. Cette manne n’existe plus à compter d’octobre prochain.
Faut-il s’inquiéter pour autant de l’avenir du diffuseur public ? Je pense qu’il ne faut pas exagérer les répercussions de ce revers, même s’il illustre la situation précaire de CBC–Radio-Canada.
Côté positif, rien ne dit que la société d’État dégageait un profit de la diffusion du hockey, une fois les droits et les coûts de production payés. La perte des droits et des revenus ne devraient pas être si dramatiques.
C’est que le sport télévisé n’est pas une activité toujours rentable. Les réseaux américains font peu ou pas de profits avec les parties de la NFL, tellement les droits coûtent cher.
À bien des égards, il s’agit d’un produit d’appel, un «loss leader». Par exemple, le réseau NBC doit débourser plus d’un milliard de dollars chaque année pour diffuser un match de football le dimanche soir pendant 18 semaines, en plus de deux parties éliminatoires. Cela fait 50 millions de dollars par partie !
Par contre, les auditoires sont tels — et le prestige si grand — que cette franchise constitue une formidable vitrine pour l’ensemble de la programmation du réseau.
En maintenant la partie de hockey du samedi soir sur ces ondes, CBC fait un jeu à somme nulle. Elle ne paie rien pour les droits et ne perçoit aucun revenu publicitaire. Elle ne fait que mettre le produit de Rogers en ondes.
En revanche, CBC devrait maintenir un auditoire appréciable et le hockey, demeurer un bon outil promotionnel pour la chaîne publique.
La CBC ne perd pas tout, mais elle en sort quand même affaiblie.
Je crains que cela ne s’inscrive dans une tendance inexorable pour les télédiffuseurs publics. Ils n’ont plus les moyens de concurrencer les grands joueurs privés intégrés et multiplateformes, alors que les États cherchent à diminuer leurs dépenses pour toutes sortes de bonnes raisons. La BBC et France Télévision vivent les mêmes traumatismes et les mêmes angoisses.
Rogers et Québecor ont eu leur match revanche contre Bell, mais la télévision publique a ramassé la «taloche».
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