Vif, joyeux, il compose de la musique qui parle franc. Ainsi, Le cœur battant de la ville, pièce créée tout récemment par l’Orchestre symphonique de Montréal pour souligner les 50 ans de la Place des Arts, pète d’optimisme et de rythme, et contredit ceux qui considèrent la musique contemporaine comme un pensum. Nicolas Gilbert a étudié la composition et l’analyse au Conservatoire de musique de Montréal et à l’Université McGill. Ses œuvres circulent dans une quinzaine de pays d’Amérique, d’Europe et d’Asie.
Les 29 octobre et 10 novembre, respectivement à la salle Pauline-Julien et à la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, l’Ensemble ARTefact, fondé par la pianiste Louise Bessette, reprendra Le temps des impossibles, qu’il a composé, en 2008, pour le 100e anniversaire de naissance de Messiaen.
Compositeur et écrivain (son quatrième roman, Nous, paraissait en septembre chez Leméac), Gilbert a 33 ans et la même blonde — une spécialiste des langues slaves — depuis 13 ans ; il parle le russe et le mandarin.
La place qu’occupe la musique contemporaine dans la vie musicale québécoise est-elle satisfaisante ?
Non, évidemment, mais cela s’améliore. Le temps où l’on jouait des choses pointues pour un cercle d’initiés dans une salle de format poche est révolu. Montréal, une des plaques tournantes de la musique contemporaine en Amérique du Nord, compte plusieurs ensembles spécialisés. Mais ce qui me réjouit, c’est l’ouverture à ce répertoire d’ensembles non spécialisés. La musique nouvelle ne fait plus peur. Je constate même un mouvement vers une musique plus séduisante.
Mouvement auquel vous avez contribué avec L’entreprise de séduction (2006).
J’ai toujours voulu parler au plus grand nombre. Je cherche, dans ma façon de penser la musique, et sans me travestir, des stratégies me permettant d’atteindre cet objectif, que j’écrive pour grand orchestre ou jeune public. L’entreprise de séduction fait partie d’une série qui tourne autour du sentiment amoureux, du désir, de la sexualité, même. Vous savez, on ne parle pas beaucoup d’amour en musique contemporaine.
Pourquoi, dans les concerts grand public, se croit-on obligé d’entourer d’œuvres rassurantes, hyperconnues une pièce moderne jugée plus difficile ?
Le milieu musical est assez conservateur, mais il change. À l’OSM, par exemple, Kent Nagano possède une vraie vision de la musique de création, ce qui est rare chez un chef généraliste. Il arrive de moins en moins qu’une œuvre de création serve d’apéritif — de « pièce canadienne de circonstance » —, et que le public entre en salle une fois son exécution terminée.
En une douzaine d’années, vous avez composé une quarantaine d’œuvres (musique de chambre, vocale, orchestrale). C’est beaucoup, non ?
Je n’enseigne pas, je n’ai pas de boulot alimentaire, je me consacre donc totalement à la composition et à l’écriture. J’accepte les contraintes liées à ce mode de vie, et la précarité qui vient avec.
Pour défier la précarité, pourquoi ne pas vous associer à des aventures plus pop : chanson, musique de film ?
C’est parce que je n’y connais rien. J’ai commencé le piano à cinq ans, il est impossible de me sortir du corps ma formation de musicien classique. Cela dit, je reste ouvert aux propositions.
En attendant, comment définiriez-vous votre musique ?
Dans mes créations, il y a souvent une cohabitation de langages associés à différentes époques : par exemple, de la musique tonale mêlée à de la musique nostalgique des années 1970, avec des passages bruitistes. Avec le temps, ma musique devient de plus en plus lyrique.
Le compositeur nourrit-il le romancier et vice versa ?
J’écris mes romans comme je compose : je pense aux rythmes, je fignole la narration. Autant je ne veux pas que l’auditeur pense à autre chose pendant qu’il m’écoute, autant je m’arrange pour que le lecteur ne perde pas le fil.
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