Dans un premier billet sur les défis auxquels est confrontée l’économie québécoise, j’ai mis en évidence celui du déficit commercial. Je rappelle qu’en 2011, il a atteint un sommet à près de 30 milliards de dollars. Cela veut dire qu’en moyenne, nous importons à chaque jour 82 millions de dollars de plus que ce que nous exportons.
Un déficit commercial, ce n’est pas nécessairement dramatique pour une économie, en autant que celui-ci demeure à un niveau raisonnable. Mais celui du Québec est proprement gigantesque.
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Au Canada, le portrait commercial est particulièrement contrasté. Avec son pétrole, l’Alberta réussit à dégager des surplus commerciaux énormes, aussi bien à l’international (28 milliards) que dans ses échanges interprovinciaux (12 milliards).
L’Ontario a subi comme le Québec une forte détérioration de sa balance commerciale internationale avec un déficit de 32 milliards en 2011. Mais cette province compense avec un surplus très important dans ses échanges interprovinciaux. La concentration des services financiers et de transport, ainsi que la présence du gouvernement fédéral sur le territoire ontarien, lui assurent année après année des surplus substantiels. En 2011, ils ont atteint 23 milliards de dollars. Pour sa part, le Québec a récolté un mince surplus de un milliard de dollars.
Au total, donc, l’Alberta roule sur l’or noir avec un surplus commercial total de 40 milliards, l’Ontario s’en tire avec un déficit de 9 milliards, tandis que le Québec se heurte à un très lourd déficit commercial de 29 milliards de dollars.
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Le tableau suivant montre qu’à l’échelle internationale, aucun pays du G-7 n’est confronté à pareille situation. Le Québec ayant de loin la pire situation commerciale, tandis que l’Alberta a la meilleure:
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Comment avons-nous pu en arriver là?
D’abord un constat très simple: la valeur de nos exportations diminue, tandis que celle de nos importations augmente:
Pour infléchir le déficit commercial, il faudra à la fois augmenter la croissance de nos exportations et réduire celle de nos importations.
Les exportations en berne
Comment expliquer cette baisse des exportations internationales du Québec? Comme le soulignent ici les économistes du Mouvement Desjardins, plusieurs facteurs sont en cause:
- La hausse rapide du dollar canadien a fait mal à bien des exportateurs québécois. Lorsque le dollar canadien ne valait que 65 cents face à la devise américaine, nos entreprises disposaient d’un avantage concurrentiel important sur les prix. Ce temps est révolu. Nos exportateurs peuvent bien sûr espérer un affaiblissement momentané du huard, mais à long terme, tout porte à croire que la devise canadienne gardera un cours élevé. C’est que sa valeur est fortement liée au prix des produits de base (les ressources naturelles) et en particulier du pétrole:
Miser sur un retour du huard à 70 cents, ce serait de la pensée magique. Il ne faut pas y compter. Tant qu’il demeurera une province du Canada, le Québec ne pourra pas non plus miser sur une monnaie ajustée à sa réalité économique. Nos entreprises devront vivre avec un dollar canadien dopé par le prix du pétrole.
- Outre la forte appréciation du dollar canadien, la grave crise économique qui a frappé les États-Unis en 2008 a pesé lourd. Notre principal client achète moins et suite à la crise, des réflexes protectionnistes ont imposé des barrières aux importations et ont incité des villes et des États à subventionner fortement des entreprises installées au Québec pour les attirer au sud de la frontière. Nous pouvons bien sûr espérer que la reprise économique américaine prendra de la vigueur, ce qui aidera nos exportateurs. Nous pouvons surtout travailler sur les autres marchés internationaux, en particulier ceux des pays émergents, où se trouve la croissance la plus forte.
- Nos exportations ont également subi la concurrence de ces pays émergents et en particulier de la Chine. Des secteurs comme le meuble, le vêtement, le textile et même les produits de la forêt en ont pâti. Comme le soulignent également les économistes de Desjardins, l’éclatement de la bulle technologique en 2001 a donné un dur coup au secteur des télécommunications, qui ne s’en est jamais remis.
Force du dollar canadien dopé au pétrole; faiblesse de l’économie de notre plus important client; concurrence des pays émergents. Trois facteurs majeurs qui expliquent la déprime des exportations du Québec.
Les importations en hausse
Si nos exportations sont en berne, les importations elles, sont florissantes. Là encore, plusieurs facteurs sont à l’oeuvre.
- D’abord, comme c’est le cas de l’ensemble du monde occidental, le Québec est envahi par les produits en provenance des pays émergentes. Toujours selon Desjardins, en 10 ans les importation en provenance de l’Empire du milieu ont pratiquement triplé. Nous n’y pouvons pas grand chose, sauf à lutter contre le dumping social et environnemental. Les pays émergents ont en effet une structure de coûts beaucoup plus basse que la nôtre.
- L’autre forte augmentation des importations provient du pétrole brut et de l’essence. En 2012, le Québec a importé pour une valeur de 18 milliards de dollars de ces deux produits. Ce n’est pas que nous consommions plus de pétrole qu’auparavant, c’est même plutôt le contraire. Après un sommet de 158 millions de barils en 2007, le Québec n’a importé que 120 millions en 2011 (MRNQ). Le problème, ce sont les prix du pétrole, qui ont explosé depuis 2007.
Les analystes ne s’entendent pas sur ce que seront les prix du pétrole en 2020 ou 2030, la fourchette allant de 80 dollars à 250 dollars le baril. Le seul consensus: sauf récession mondiale, le prix du brut ne retournera pas sous les 80 dollars le baril.
Déprime économique?
Dans un article du Devoir relatant l’étude de Desjardins sur le déficit commercial, on concluait ainsi:
Quelle que soit la façon dont on aborde la chose, le défi en matière commerciale s’annonce considérable pour le Québec, constate Hélène Bégin. « C’est déprimant. Je le sais. Je suis désolée. »
Le défi est considérable, certes. Se croiser les bras n’est donc pas une option.
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