Les leaders républicains et démocrates au Sénat seraient sur le point de s’entendre une proposition susceptible de mettre fin, pour le moment, à la crise budgétaire américaine. Cette crise tient le monde financier en état d’alerte maximum, car si une solution n’est pas trouvée d’ici deux jours, les États-Unis pourraient se retrouver en défaut de paiement, une situation qui pourrait replonger l’économie mondiale en récession.
Voici quelques repères pour comprendre l’origine d’une situation absurde et dramatique et ses conséquences potentielles.
1. Le plafond qui n’en est pas un
En 1917, les États-Unis se sont donnés un instrument pour empêcher les déficits budgétaires de s’accumuler et de faire grossir la dette publique. Ils appellent cela le «plafond de la dette». La dette publique ne peut pas dépasser un certain montant voté par le Congrès, c’est-à-dire les deux chambres législatives, le Sénat et la Chambre des représentants.
Ce plafond est un peu l’équivalent de notre loi sur l’équilibre budgétaire: il établit un principe vertueux… et on trouve toujours moyen de le contourner. Depuis 1962, le plafond a été relevé 74 fois, dont 42 fois depuis 1980. Sous Ronald Reagan (1981-1989), le plafond a été relevé 17 fois, quatre fois sous Bill Clinton (1993-2001) et cinq fois depuis que Barack Obama est le président.
Jusqu’à l’été 2011, le procédé était plutôt routinier. Cette année-là, la majorité républicaine à la Chambre des représentants a engagé un bras de fer avec l’administration Obama qui a failli conduire à la paralysie du gouvernement américain. La crise avait fait chuté l’indice boursier Dow Jones de 7% et semé la panique sur les places financières. Les États-Unis avaient même perdu leur fameuse cote AAA, accordée aux meilleurs emprunteurs.
2. Dette publique 101
Le plafond de la dette du gouvernement fédéral américain est aujourd’hui fixé à 16 700 milliards de dollars. Le plafond légal a déjà été atteint le 4 février dernier, mais le gouvernement peut toujours trouver quelques artifices pour fonctionner avant qu’un nouveau plafond soit autorisé par le Congrès.
Quand ils empruntent, les États ne sont pas soumis aux mêmes règles que vous et moi. Ils ne remboursent à peu près jamais le principal, c’est-à-dire le total des prêts. Quand une partie de la dette vient à échéance, ils empruntent à nouveau sur le marché obligataire pour la rembourser. Ils font donc «rouler» leur dette, se contentant de payer les intérêts.
Par exemple, la Chine possédait des obligations américaines d’une valeur de 1 277 milliards de dollars, ce qui lui rapporte 36 milliards de dollars en intérêts sur un an, à un taux moyen de 2,82%. Le Japon détient de son côté pour 1135 milliards de dollars de titres de dette américains.
Les États-Unis sont encore la plus grande puissance économique et ils sont considérés comme le refuge par excellence des gouvernements, des entreprises et des particuliers, et ce, malgré la perte de leur cote AAA.
3. Le gouvernement américain n’a pas vraiment de budget
Dans notre régime parlementaire, le budget est au coeur de l’activité de l’État et un gouvernement doit démissionner s’il est battu en Chambre sur une motion budgétaire.
Ce n’est pas le cas aux États-Unis. Le Congrès n’a voté aucune loi budgétaire depuis avril 2009. Pour permettre à l’État de fonctionner, le Congrès valide des rallonges budgétaires de dernière minute dès que les fonds sont susceptibles de manquer.
Ce processus «à la pièce» génère évidemment beaucoup de tension, mais il donne énormément de pouvoir aux républicains majoritaires à la Chambre des représentants (232 républicains contre 200 démocrates).
Dans la crise actuelle, les représentants républicains ne veulent pas que des fonds soient alloués au nouveau régime public d’assurance-maladie, connu sous le nom d’Obamacare. Ce nouveau régime devrait garantir une couverture santé à 32 millions d’Américains qui en sont dépourvus. Il a été adopté en 2010 et validé par la Cour Suprême en 2012, mais plusieurs de ses dispositions entraient en vigueur le 1er octobre, pour commencer à s’appliquer en 2014.
Les républicains à la Chambre des représentants sont intraitables sur cette question et ils ont lié la rallonge des crédits budgétaires au non-financement de la nouvelle mesure sociale. Ce qui a été évidemment refusé par l’administration Obama et la majorité démocrate au Sénat qui y voient chantage et extorsion. L’impasse a conduit à la paralysie partielle du gouvernement fédéral depuis deux semaines et au possible défaut de paiement dans deux jours.
4. Le plus bizarre défaut de paiement de l’histoire
On a déjà vu des pays en défaut de paiement, qui se retrouvent donc dans l’incapacité de rembourser les obligations ou bons de Trésor venus à échéance et de payer les intérêts sur leur dette. L’Argentine s’est retrouvée dans cette situation à la fin de 2001 et la Grèce a été sauvé in extremis en 2009.
Ces pays étaient ruinés et insolvables et les créanciers internationaux avaient perdu confiance. On demandait jusqu’à 34% d’intérêt pour une obligation argentine. Cela n’a rien à voir avec la situation américaine alors que les bons du Trésor américains s’adjugeaient à 2,66% ce matin, à moins de 48 heures de ce qui pourrait être un cataclysme financier, selon Barack Obama.
Les États-Unis ont beau avoir une dette colossale, elle n’inquiète pas vraiment les marchés pour le moment. Pourquoi? Parce que leur dette est libellée en dollar américain et qu’ils ont une magnifique planche à billets capable de produire à volonté tous les billets verts qu’il faudra.
Mieux encore, la situation américaine apparaît, au total, moins pire que la situation européenne et les créanciers des États-Unis sont les derniers au monde qui souhaitent de pas être remboursés. Si la formule «too big to fail» convient aux institutions financières qu’il faut soutenir coûte que coûte compte tenu du risque qu’elles posent à la stabilité des marchés, elle convient encore plus aux États-Unis, pivot de l’économie mondiale.
Bref, ce qui arrive ces jours-ci aux États-Unis est bien sûr causé par un endettement gigantesque, mais il s’agit avant tout d’une crise politique dont il faut dénouer l’impasse. Personne ne pense vraiment que les États-Unis n’ont pas les moyens de financer leur endettement, mais leur gouvernement pourrait être privé des fonds pour le faire. C’est quand même un peu idiot.
5. Pendant ce temps, le déficit fond…
La paralysie du système politique américain et le petit jeu des rallonges budgétaires conditionnelles a quand même du bon. En début d’année, des mesures d’économies de 85 milliards de dollars ont été enclenchées. Ces mesures, accompagnées d’une reprise un peu plus solide de l’économie, fera passer le déficit budgétaire de 1089 milliards en 2011-2012 à 755 milliards en 2012-2013.
Le déficit public, qui était de 10% du PIB en 2011, est tombé à 4% cette année. Voilà au moins une bonne nouvelle.
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