Intégrité. C’est l’enjeu numéro un de la campagne électorale à Montréal. Elle n’est pas si lointaine, l’époque où l’hôtel de ville tremblait sous les scandales à répétition: financement illégal d’Union Montréal, vente à rabais de terrains municipaux, collusion parmi les entrepreneurs et les ingénieurs, complicité des élus et des fonctionnaires.
Vendredi, le maire par intérim, Laurent Blanchard, a laissé son legs à la postérité. Avec l’appui du gouvernement du Québec, Montréal a annoncé un resserrement des règles d’attribution des contrats. Encore une fois.
Dorénavant, tous les contrats de voirie de 100 000 $ et plus et tous les sous contrats de 25 000 $ et plus seront assujettis à la loi 1. Pour brasser des affaires à Montréal, la certification de l’Autorité des marchés financiers (AMF) devient un incontournable. Cette nouvelle exigence vise à prévenir que des entreprises exclues des contrats publics pour mauvaise conduite puissent revenir par la porte d’en arrière en agissant à titre de sous-traitants pour des firmes exemptes de reproches.
Depuis le début de la campagne, on assiste à une surenchère des candidats à la mairie, sauf une exception, sur le thème de l’intégrité. Jusqu’à présent, voici ce qu’ils ont promis pour endiguer la corruption.
Denis Coderre: création d’un poste d’inspecteur général, avec des pouvoirs coercitifs pour enquêter et sanctionner les actes de corruption dans tout l’appareil municipal. Il entend aussi procéder à des vérifications de sécurité avant l’embauche des hauts fonctionnaires. De tous les candidats, M. Coderre est celui qui s’est le moins mouillé sur le thème de l’intégrité. Il faut dire qu’il a l’habitude de révéler ses engagements au compte-goutte et qu’il n’a pas encore abordé le sujet pourtant névralgique de la lutte à la corruption.
Marcel Côté: Sa coalition se veut «pragmatique» et elle propose de faire table rase du passé. Au lieu d’interdire aux entreprises fautives de soumissionner à Montréal, il suggère de punir les coupables, en les forçant de rembourser les sommes perçues en trop. Pour éviter les délais inhérents au système judiciaire, M. Côté suggère une médiation. Reprenant une partie du programme de Vision Montréal, il propose aussi la création d’un poste de commissaire à l’éthique à temps plein, relevant exclusivement du conseil municipal. M. Côté suggère enfin de poursuivre la diffusion des séances du comité exécutif, et de revoir la loi 102 pour accorder une place prépondérante au critère de la qualité dans l’octroi des contrats.
Richard Bergeron: son parti, Projet Montréal, propose une petite révolution démocratique en réduisant les pouvoirs du comité exécutif (la première instance décisionnelle) dans l’octroi des contrats. Il en appelle à un plus grand rôle pour le conseil municipal et les commissions permanentes. Celles-ci seraient représentatives de tous les partis et elles assumeraient une partie des responsabilités de l’exécutif. Le conseil municipal deviendrait la seule instance décisionnelle. Toutes les séances du comité exécutif et des commissions devraient être diffusées dans Internet, une mesure visant à accroître la transparence.
Mélanie Joly: elle propose une amnistie pour les entreprises fautives, à la condition qu’elles remboursent les sommes volées aux Montréalais et qu’elles se dotent de nouvelles règles de gouvernance. Se disant elle aussi «pragmatique», elle s’écarte des politiques publiques visant à durcir les règles. Les processus actuels d’octroi des contrats sont trop lourds et ils pèsent sur l’économie montréalaise, croit-elle. Pour contrebalancer ce pragmatisme aux accents de laisser-faire, elle suggère d’accroître la transparence en diffusant dans Internet davantage d’informations sur les appels d’offres et l’octroi des contrats. Elle demande enfin une révision de la loi 102 afin de prendre en compte des critères autres que le prix (rapidité d’exécution, qualité et impacts environnements) dans l’évaluation des appels d’offres.
Si l’on résume la situation, deux indolents (Mélanie Joly et Marcel Côté) trouvent que Québec va trop loin avec le durcissement des règles, et ils sont près à passer l’éponge sur plus d’une décennie de vol au nom du sempiternel développement économique. Un insouciant (Denis Coderre) pense qu’il suffit d’avoir un shérif dans la place pour régler tous les problèmes. Un méfiant (Richard Bergeron) a appris à ne plus faire confiance au comité exécutif, et il plaide pour une révision de la séparation des pouvoirs à l’hôtel de ville.
Aucun ne vous dira la vérité toute crue. En matière de lutte à la corruption et des règles d’attribution des contrats, le vrai pouvoir est à Québec. La loi 1 est là pour rester. Le gouvernement en a soupé des frasques des élus municipaux, tantôt aveugles, tantôt complices des stratagèmes de collusion et de corruption.
Les élus locaux devront s’y faire. Ils ont perdu beaucoup de latitude et d’autonomie au gré des scandales et des resserrements des règles. Le thème de l’intégrité ne leur appartient plus tout à fait.
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