L’économie occupera une place importante dans le débat politique nous menant aux prochaines élections québécoises.
Les partis présenteront chacun leur vision respective. François Legault nous annonce un livre autour de son Projet Saint-Laurent d’ici la fin octobre. Le gouvernement Marois planche sur l’électrification des transports. (J’en ai parlé ici.) Même Québec solidaire s’y est mis, laissant de côté la décroissance économique. Le Parti libéral semble pour l’instant miser sur une réforme de la fiscalité et sa marque de commerce de «parti de l’économie». Chacun présentera sa vision et critiquera celle des autres partis. Ce sera intéressant et nous aurons largement l’occasion d’y revenir.
Cela dit, sur chaque enjeu, il y aura un gros éléphant dans la pièce que plusieurs feindront d’ignorer: le gouvernement fédéral.
La CAQ, avec son projet Saint-Laurent, se heurte directement à Ottawa. Impossible en effet de développer les berges du Saint-Laurent sans l’appui actif d’Ottawa, qui a la responsabilité des ports importants. Seulement à Montréal, les installations fédérales s’étalent sur 26 kilomètres le long du Saint-Laurent. C’est sans parler des ponts, des quais et du transport maritime et ferroviaire.
Le projet d’électrification des transports du Parti Québécois vise à libérer le Québec du pétrole importé, mais il se heurte en partie à la politique industrielle du gouvernement canadien, tournée vers la production de pétrole.
Les libéraux veulent réformer la fiscalité, mais le Québec n’en contrôle que la moitié, l’autre étant aux mains d’Ottawa.
Tous les partis affirment avec raison que la réussite économique du Québec dépendra de notre capacité à innover. Or, nous faisons face à un gouvernement fédéral qui essaie par tous les moyens d’étouffer la science. Stephen Harper a été jusqu’à nommer un créationniste comme ministre des sciences et de la technologie.
Le Canada se retrouve année après année à la traîne des pays où il se fait le plus d’investissements en recherche et développement et c’était vrai aussi du temps des gouvernements libéraux à Ottawa. Le Québec fait mieux que toutes les provinces canadiennes, réussissant à se maintenir tout juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. Mais nous sommes très loin d’Israël et des autres pays champions de la recherche et de l’innovation.
Le fait est qu’en matière de R&D, le Canada tire le Québec vers le bas.
On pourrait dire la même chose en ce qui a trait à la politique industrielle. Le Québec a une économie très diversifiée, avec un secteur manufacturier encore bien vivant. Pour stimuler les investissements majeurs (300 millions et plus) et stratégiques, le ministre des Finances du Québec a créé un puissant incitatif en offrant un congé d’impôt de dix ans. Mais en réalité, il s’agit de la moitié d’un congé d’impôt, puisqu’Ottawa va continuer à appliquer sa fiscalité.
Les partis politiques québécois vont aussi insister sur l’importance de soutenir nos entrepreneurs et nos PME pour que soient créés des emplois de qualité. Mais tous ces efforts seront annihilés par la décision d’Ottawa de mettre fin au crédit d’impôt pour les fonds de travailleurs. Cette décision fédérale va en effet priver les PME québécoises de centaines de millions de dollars d’investissement chaque année.
Et que dire de l’acharnement du ministre des Finances, Jim Flaherty, à imposer une commission fédérale des valeurs mobilières, malgré un avis défavorable de la Cour suprême.
Extrait d’une chronique de Jean-Philippe Décarie, dans La Presse:
« Ce n’est malheureusement pas le seul dossier où le ministre Flaherty fait preuve d’un certain acharnementqui va carrément à l’encontre des intérêts économiques du Québec.»
Pour accélérer la création de richesse, tout le monde convient également de la nécessité de former nos travailleurs. La pénurie de main d’oeuvre spécialisée constitue en effet un des principaux obstacles à l’expansion de milliers d’entreprises québécoises. Nous avons développé au Québec un modèle qui fonctionne et réunit les entreprises, les syndicats et le gouvernement. Or, le gouvernement Harper a décidé de le démolir en rapatriant son argent pour créer un nouveau programme. Une décision prise unilatéralement et qui fait enrager bien du monde, y compris en Ontario et en Colombie-Britannique.
Bref, que ce soit en matière de fiscalité, d’innovation, de politique industrielle, de soutien aux entrepreneurs ou de formation de la main-d’oeuvre, le principal frein au développement économique et à la création d’emplois de qualité au Québec, c’est le gouvernement fédéral.
Les partis fédéralistes préfèrent ne pas trop parler de ça. Même s’il fait de l’économie sa priorité numéro un, vous n’entendrez pas Philippe Couillard promettre de se battre contre ces décisions néfastes d’Ottawa.
En montant au front pour défendre les intérêts économiques du Québec, le chef libéral risquerait en effet de faire la démonstration que le plus grand risque pour l’économie québécoise, ce n’est pas la souveraineté, mais bien le fédéralisme canadien.
C’est ainsi que les fédéralistes québécois continueront d’ignorer l’éléphant dans la pièce, même si le pachyderme fédéral piétine nos intérêts économiques.
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