Dans son bureau : une affiche de la chanteuse Adele, une table à dessin, un ordinateur, une immense glace, mais aucune fenêtre. « C’est pour mieux me concentrer sur mon paysage intérieur », dit l’humoriste et auteur Rabii Rammal.
Né au Québec de parents libanais, ce diplômé (2012) de l’École nationale de l’humour connaît par cœur les chansons de Frank Sinatra, sculpte des maquettes de voitures anciennes, fait de la BD, de la breakdance et des tractions. Surtout, il publie pour Urbania des billets sous forme de lettres à des destinataires on ne peut plus clairs : « Chère danseuse nue », « Chers 570 000 fifs », « Cher ami qui veut fourrer son iPhone ».
Sous l’égide du magazine multiplateforme, le blogueur peaufine également une websérie, présentement en montage financier — Rabii nous dit des choses en dessinant —, dans laquelle il vulgarise des concepts abstraits, tel le système électoral, en accompagnant ses propos de ses dessins, animés par logiciel. Mis en ligne, l’épisode pilote sur le crédit réjouit.
Et le spectacle solo ? « Pas pressé. » Rabii a 23 ans.
Que pensez-vous du gag du Comte de Bouderbala, l’humoriste français qui est passé par Montréal l’été dernier : « Avant, j’étais arabe. Maintenant, j’ai arrêté, c’est trop dur. » ?
Je ne connais ni le gars ni le gag, mais je dirais qu’au contraire je suis fier que mes parents m’aient gâché mes samedis pendant 12 ans pour m’envoyer dans une école où j’ai appris à parler et à écrire l’arabe. Mais je reste avant tout un Québécois, même si j’adore le chiche-taouk.
Vous dites qu’on vous prend souvent pour un Italien, un Grec, un Indien…
Je n’ai pas l’air d’un Arabe, j’ai juste l’air bizarre, pas d’ici. Alors, c’est comme pour la lessive : on met le blanc d’un côté, toutes les couleurs de l’autre.
Si le comique est là pour faire rire, à quoi sert l’humoriste ?
À commenter toute chose qui heurte sa sensibilité. Le policier qui laisse tourner le moteur de sa voiture pendant qu’il texte sur son cellulaire et qui me crie « Scramme ! » quand je lui fais remarquer qu’il est en infraction mérite un billet de 1 000 mots.
Vous pratiquez, dans un français écrit impeccable, une écriture moqueuse et acide que vous criblez de grossièretés. Pourquoi ?
Quand un gars atteint le plus haut degré de « troudecultitude » — garer sa voiture dans une place de stationnement réservée aux handicapés —, il n’y a pas d’autre mot que « tabarnak », ou pis, pour exprimer votre émotion devant la situation.
Dans les commentaires des internautes, on vous traite souvent de génie. Ils ne vont pas un peu vite en affaires, vos lecteurs ?
Je pense à combien de gens me lisent [autour de 15 000 personnes par semaine], mais aussi à tous ceux qui n’en ont rien à foutre de moi. Ça relativise, et je ne prends pas ça au pied de la lettre pour ne pas me mettre de pression. La seule chose qui me stresse vraiment, c’est la combustion spontanée, la peur de prendre feu.
D’accord (!), mais vos débuts à la télé ne vous stressent-ils pas ?
Ça m’excite, plutôt. Me voici collaborateur à Alors on jase ! et, tous les vendredis, chroniqueur à Entrée principale, deux émissions de Radio-Canada.
Vous devez ces contrats à votre agent ?
Je m’occupe seul de mes affaires. À ma sortie de l’École, une grosse boîte, que je préfère ne pas nommer, m’a abordé. Au moment de signer, on m’a dit : « Tu vas voir, ça va être big. On va faire de toi un Sugar Sammy. » J’aurais souhaité entendre : « On va faire de toi… toi ! »
Que de maturité pour votre âge !
Je passe beaucoup de temps avec ma grand-mère. Ses propos me changent des histoires des gens de ma génération : « On est sortis, on s’est pété la face, on a baisé. »
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