Après le Parti conservateur, reconnu coupable en novembre 2011 d’avoir dépassé les limites permises lors des élections de 2006 à l’aide de son stratagème du «in-and-out», c’est au tour du député Dean Del Mastro d’être accusé d’avoir dépassé la limite permise lors des élections de 2008.
Député de Peterborough, M. Del Mastro n’est pas n’importe quel député. Jusqu’au 19 septembre dernier, il était le secrétaire parlementaire du premier ministre. De plus, jusqu’à ce que Postmedia News ébruite ses démêlées avec Élections Canada, en juin 2012, il était un des deux députés chargés en Chambre de répondre à presque toutes les questions portant sur les allégations d’inconduite électorale impliquant des conservateurs, en particulier dans le dossier des appels automatisés frauduleux.
Il avait donc la confiance du premier ministre qui l’a d’ailleurs défendu dans les jours qui ont suivi les révélations de Postmedia News. (Vous trouverez une chronologie des faits ici.)
M. Del Mastro fait face à quatre chefs d’accusation et son ancien agent officiel Richard McCarthy, à trois autres. On leur reproche d’avoir dépassé la limite de dépenses permises, de ne pas avoir rapporté une contribution de 21 000 $ faite par M. Del Mastro pour éponger une facture de sa campagne, d’avoir affirmé dans leur rapport financier que la facture en question n’était que de 1575 $. Quant à M. Del Mastro, il est accusé d’avoir «volontairement dépassé la limite de contribution fixée pour un candidat à sa propre campagne électorale».
S’il est reconnu coupable, il est passible d’une amende pouvant atteindre 5000 $ et/ou d’une peine d’emprisonnement pouvant atteindre cinq ans.
M. Del Mastro est le premier député conservateur à faire face à des accusations de ce genre, mais il est le quatrième conservateur, au moins, à soulever des soupçons d’Élections Canada. L’hiver dernier, le ministre des Affaires intergouvernementales, Peter Penashue, a démissionné après qu’on eut appris qu’il avait accepté des contributions illégales et dépassé la limite de dépenses permises durant les élections de 2011.
Les conservateurs, le premier ministre en tête, l’ont défendu, affirmant qu’il reviendrait aux élections de Labrador de décider de son sort lors d’une élection partielle qui a eu lieu peu après. Ses électeurs ont été clairs, ils l’ont renvoyé chez lui.
Le printemps dernier, le directeur général des élections Marc Mayrand écrivait au président de la Chambre pour l’avertir que deux députés conservateurs du Manitoba pourraient perdre leur droit de siéger aux Communes s’ils ne corrigeaient pas leurs rapports financiers de l’élection 2011. M. Mayrand exigeait qu’ils tiennent compte de certaines dépenses qui, une fois comptabilisées, auraient pour effet d’enfreindre la limite permise.
Les deux députés James Bezan et Shelly Glover contestaient en cour les conclusions de M. Mayrand. Mais promise à une place au cabinet, Mme Glover a choisi de chercher à s’entendre avec Élections Canada. En juillet, elle était nommée ministre du Patrimoine
À noter cependant qu’aucune «transaction» (ou accord à l’amiable) n’apparaît encore sur le site du Commissaire aux élections sous les noms de Peter Penashue, James Bezan et Shelly Glover. Habituellement, cela signifie que le dossier n’est pas encore clos.
L’exemple d’éthique élastique vient de haut. Et cela a commencé dès la campagne de 2006, pourtant menée sous le thème de l’intégrité. Le Parti conservateur avait sciemment contourné la loi électorale en imputant à des candidats conservateurs des dépenses de publicité engagées par le parti à l’échelle nationale. Cela lui avait permis de dépenser au-delà de la limite permise.
Le Parti conservateur et son bras financier ont combattu Élections Canada devant les tribunaux pour finalement plaider coupable en échange du retrait des accusations portées contre quatre hauts gradés du parti. L’un d’entre eux, le sénateur Irving Gerstein, est toujours le grand patron du bras financier du parti, le Fonds PC-Canada.
Les promotions en juillet de Mme Glover et de Pierre Poilievre, l’autre député lancé à la défense du parti au côté de M. Del Mastro, laissent une bizarre d’impression. Comme si ce gouvernement prenait un peu à la légère les questions d’éthique électorale et ce, alors qu’on attend toujours la réforme électorale promise. Mais de quoi aura-t-elle l’air?
Pierre Poilievre, devenu ministre d’État responsable de la réforme démocratique, en est maintenant chargé. Il a toujours minimisé le problème des appels automatisés. Quand le ministre Peter Penashue a démissionné, M. Poilièvre s’est dit fier de le compter parmi ses collègues. Le loup serait-il entrée dans la bergerie?
Le directeur général des élections demande depuis un bon moment qu’on améliore la loi afin d’accélérer les enquêtes (les faits reprochés à M. Del Mastro remontent à 2008), de resserrer les contrôles financiers, d’avoir le pouvoir d’obtenir des documents des partis et, pour le commissaire, d’obtenir l’autorisation de la cour pour forcer des gens à témoigner. Il voudrait aussi qu’on mette en place des mécanismes pour prévenir les appels trompeurs comme ceux survenus en 2011. Une véritable fraude, a d’ailleurs conclu la cour fédérale.
M. Mayrand a soumis de multiples recommandations. On ne l’a pourtant pas consulté le printemps dernier alors qu’on s’apprêtait à présenter la dite réforme. Le gouvernement a reculé à la dernière minute sous la pression de son caucus, mécontent.
Or, plus le gouvernement traîne, moins le DGÉ aura de temps pour mettre en place la mécanique nécessaire pour les élections de 2015. M. Mayrand a exprimé le souhait que la loi soit adoptée au printemps 2014, au plus tard. Le gouvernement n’a pris aucun engagement en ce sens…
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