C’est vendredi matin que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) rendra public le Résumé à l’attention des décideurs du Premier chapitre de son cinquième rapport sur les changements climatiques, consacré aux aspects scientifiques de l’évolution du climat.
Dans son premier rapport (résumé en français), publié en 1990, le GIEC écrivait :
Nous avons la certitude que les émissions dues aux activités humaines accroissent sensiblement la concentration dans l’atmosphère des gaz à effet de serre : dioxyde de carbone, méthane, chlorofluorocarbones (CFC) et oxyde nitreux. Cette augmentation renforcera l’effet de serre, intensifiant le réchauffement général de la surface terrestre.
34 auteurs principaux avaient alors signé ce rapport de 420 pages, qui prévoyait déjà des conséquences importantes pour l’humanité.
Les incidences que l’évolution du climat pourrait avoir sont suffisamment graves pour que l’on adopte dès maintenant des stratégies de parade qui se justifient dans l’immédiat malgré des grandes incertitudes qui subsistent quant à ce qui se passera réellement.
Le cinquième rapport comptera 2014 pages, pour 258 auteurs principaux qui ont décortiqué plus de 9 000 publications scientifiques et se sont entendus sur 31 000 ajustements dans le texte. Un sacré boulot.
Il reste beaucoup d’incertitude, notamment sur l’ampleur de la hausse du niveau des océans et les raisons d’une certaine stagnation du réchauffement depuis une quinzaine d’années.
Mais les principales conclusions des chercheurs n’ont pas changé depuis 23 ans.
Et pourtant, les politiques n’ont jusqu’à présent pas réussi à prendre des mesures qui nous mettraient au moins en partie à l’abri des conséquences des changements climatiques.
On sait depuis longtemps ce qu’il faut faire : d’une part, diminuer les émissions de GES pour stabiliser le climat; d’autre part, protéger les humains et les écosystèmes dont ils dépendent pour leur nourriture et leur logement des conséquences du réchauffement.
Les climatosceptiques financés en bonne partie par l’industrie pétrolière ont eu un impact certain sur les progrès politiques en semant perpétuellement le doute sur les conclusions des chercheurs, dont le consensus est pourtant globalement inattaquable.
Mais le problème de l’inaction face au climat est plus fondamental. Il réside dans la capacité de l’humanité à anticiper le futur au delà des prochaines échéances électorales, et à conjuguer ses efforts au niveau planétaire pour s’attaquer à un problème global.
Qu’on soit sûr sûr qu’il existe, ou sûr sûr sûr ne change au fond pas grand chose.
Évidemment, les progrès de la science restent absolument nécessaires. On a notamment besoin de mieux comprendre les impacts du climat à l’échelle régionale pour en anticiper les conséquences et convaincre la population et les décideurs que le réchauffement va les toucher directement.
Mais on l’a vu lors de la dernière campagne électorale américaine : c’est l’ouragan Sandy, bien plus que les rapports du GIEC, qui a permis de ramener le climat dans les débats.
Plutôt que d’attendre que les rapports du GIEC finissent par convaincre les décideurs, un groupe d’économistes, de scientifiques et d’ingénieurs du Grantham Institute for Climate Change de l’Imperial College, à Londres, propose aujourd’hui un plan qui prend le problème à l’envers.
Ces chercheurs ont calculé la quantité de gaz à effet de serre qu’il faudrait ne pas émettre pour limiter le réchauffement global à 2 degrés celcius d’ici 2050, par rapport à l’époque pré-industrielle.
Puis ils ont découpé le monde en 10 régions géographiques et évalué leurs dépenses d’énergie en 2050, en se basant sur les tendances actuelles, dans trois grands secteurs : les transports, le logement et les industries.
Ils ont ensuite calculé la limite globale des émissions de GES pour ne pas dépasser 2 degrés de réchauffement, qui s’établit à 15 gigatonnes de CO2 par an pour la planète.
Puis, pour chacun de ces secteurs, ils ont établi une liste de technologies pouvant permettre d’abaisser les émissions, qui soient déjà existantes (comme les énergies renouvelables ou le nucléaire pour la production d’électricité, la cuisson des aliments à l’électricité plutôt qu’au bois ou au charbon ou les transports électriques) ou dont le développement a débuté (comme le stockage du carbone).
Enfin, ils ont calculé combien coûterait l’adoption de ces technologies dans chaque partie du monde en fonction des principaux «stresseurs» du climat (l’urbanisation, le gaspillage énergétique…).
Facture globale : 1% du produit national brut mondial de 2050 par année d’ici 2050, si les prix des énergies fossiles n’augmentent pas notablement d’ici là, moins de 1% dans le cas contraire.
Selon les chercheurs, à ce prix- là, on pourrait gagner 30% en efficacité énergétique et diminuer de 40% la consommation de carburants fossiles d’ici 2050, et limiter ainsi nettement l’impact des changements climatiques… et la facture future.
Peut-on décider l’humanité à consacrer ce 1% de sa richesse à son avenir, et si oui, comment ?
Voilà le genre de question auquel il devient urgent de répondre, en examinant les barrières culturelles, cognitives, sociales et politiques qui s’opposent au changement à tous les niveaux de décision.
Dire qu’on doit maintenant passer des babines aux bottines en matière de climat n’est pas suffisant. Il faut comprendre pourquoi on n’y arrive pas ou bien trop peu, et chercher des solutions efficaces.
Pour l’instant, les rapports du GIEC n’abordent qu’indirectement cette question, même si ceux des groupes de travail 2 (Impacts, adaptation et vulnérabilité, attendu pour mars 2014) et 3 (atténuation des changements climatiques, avril 2014) apporteront certainement quelques éléments de réponse.
En décembre 2014, le GIEC remettra ensuite l’intégralité de son cinquième rapport aux gouvernements.
Il ne restera alors plus que quelques mois avant le 21ème Conférence des parties de l’ONU à Paris, au cours de laquelle on cherchera à engager l’ensemble des pays dans un accord international applicable en 2020.
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