Les huit éditeurs de La Tournure mettent de la poésie dans nos vies

Jeudi, 22 Août 2013 16:15 André Ducharme
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Photo : Jocelyn Michel

Photo : Jocelyn Michel

Le fracas, l’élasticité de la jeunesse. Mûris par la grève des étudiants qui les a soudés au printemps 2012, Daria Mailfait-Bernier, Julien Fontaine-Binette, Stéphanie Séguin, Xavier Vadboncœur, Geneviève Gosselin-G., Olyvier Leroux-Picard, Zéa Beaulieu-April et Jules Gagnon-Hamelin, d’horizons universitaires divers (philosophie, cinéma, sémiologie, littérature…), ont fondé — avec le soutien d’un aîné, Jacques Binette — les Éditions de la Tournure, coopérative de solidarité. Dessein de l’entreprise, exprimé succinctement : « Vouloir dire tout en ne censurant aucune malice / pour marcher sur Dieu. » Ambitieux programme.

Daria Mailfait-Bernier (bras levé) et Julien Fontaine-Binette (en haut) parlent au nom du groupe.

La Tournure est donc née du printemps érable?

Daria: Avant la grève, on vivait tous dans des espèces de cercueils. On s’est rendu compte qu’on était capables de réaliser des choses, d’ouvrir des brèches dans le réel. En ce moment, on apprend tous et toutes à devenir éditeurs, comme on apprend à se révolter. À coups de discussions, de frictions, de réflexions.

Julien: On est huit petits individus, lecteurs passionnés, qui veulent publier des livres. Pourquoi ? Pour rendre la poésie plus présente dans nos vies.

La Tournure ne publiera que de la poésie? Vous ne deviendrez pas riches!

Daria: Par poésie, on entend plus une posture et une sensibilité qu’une forme littéraire. Rien ne nous empêchera de publier des essais. D’ailleurs, le prochain titre tiendra plus du récit.

Julien: Et puis, notre but n’est pas de nous enrichir, mais de vendre assez de livres pour pouvoir en faire d’autres. Quand tu vends 200 recueils au Québec, c’est un succès. On a imprimé 350 exemplaires de notre premier livre et, franchement, ça va bien.

À l’ère du numérique, pourquoi avoir choisi le support papier?

Julien: Peut-être par réaction à l’égard d’une époque où les blogues sont rois, mais surtout par amour du papier, de son odeur. On voit le livre comme un objet affectif : la possibilité de le passer à quelqu’un, le raturer, l’annoter, y laisser des traces de ce que sa lecture nous a procuré.

Une caractéristique de votre coopérative d’édition?

Julien: Contrairement à la norme de 10 % qui a cours dans le monde de l’édition, nous remettons à l’auteur 22 % du prix de son livre.

Daria: Et on assure, à vélo, la distribution de nos livres !

Sur votre site Web, vos mandat et objectifs ne sont pas très clairs. Pouvez-vous décrypter vos intentions?

Daria: On assume avec humilité que La Tournure construira son identité au fur et à mesure de ses publications, du cercle de ses auteurs, de la communauté de ses lecteurs. Mais nous nous définissons déjà par nos actions.

1064148_582149195157169_696952199_oComme les «prescriptions poétiques». De quoi s’agit-il?

Julien: Il s’agit d’envahir le tissu urbain pour amener la poésie là où on ne la trouve pas nécessairement. Par exemple, on installe une table avec des livres au square Victoria, à Montréal, ou lors d’une fête de quartier : on aborde les gens, on leur demande ce qui les absorbe et on leur recommande des auteurs pouvant éclairer leurs interrogations. Et on leur parle de La Tournure, bien entendu.

Daria: On se heurte aussi à l’adversité, à ceux qui disent : « Moi, je ne lis pas. » Ou bien : « Je suis ingénieur, la poésie ne me dit rien. » Mais si on arrive à poétiser le quotidien d’une seule personne…

La Tournure a-t-elle une politique éditoriale?

Daria: Je dirais une contrainte : à chaque auteur est demandé d’utiliser dans son texte le mot « étreinte ». André Breton a écrit que « l’étreinte poétique, comme l’étreinte de chair, tant qu’elle dure, défend toute échappée sur la misère du monde ». Cela nous rejoint.

• Premier ouvrage paru : D’espoir de mourir maigre, recueil de Charles Dionne, cofondateur du blogue Poème sale.  Pour adhérer à la coop de solidarité des Éditions de La Tournure : part sociale de 10 dollars.

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